Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Oyron , 14 août 1815

J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre du 7 du courant. Nous nous attendons à partir incessamment d'ici pour nous rendre à Niort, la division du général Alméras venant d'arriver sur la rive gauche de la Loire, par suite du mouvement des troupes étrangères sur Angers et Nantes.
L'affaire de Poitiers n'a plus de fondement que celle du 35è à Tours. Nous nous tenons en général sur nos gardes contre mille bruits que les malveillants répandent, et qui n'ont assurémént pour objet que d'exciter l'esprit de parti, des inquiétudes et par conséquent des troubles ! Par exemple, on nous disait avant-hier que les Prussiens étaient entrés à Amboise, avaient démoli ce château et s'étaient emparés de toute l'artillerie !
Je ne crois point au licenciement de l'armée. Il paraît, au contraire, que le général Macdonald, qui commande l'armée de la Loire depuis le 1er courant, a des instructions à cet égard. On parle, au contraire, d'une nouvelle organisation. J'ai écrit à Paris et j'espère que mes amis m'y serviront bien. Je suis extrêmement content du major Verdier ; nous nous convenons beaucoup et nous sommes parfaitement bien ensemble. Dans un moment assi pénible que celui où nous nous trouvons, il est fort heureux pour moi d'avoir été envoyé au 30è. Nous avons les mêmes principes., la même manière de voir, et, quoique nous broyions souvent du noir, nous trouvons cependant encore le moyen de passer agréablement notre temps à Oyron.
Notre hôte, M. de Boisairault, est un intime de ton parrain le généreux S... Il avait épousé une demoiselle de ... , de Tours, qui est morte depuis quinze mois. Il connaît beaucoup notre vlle. Nous sommes toujours très bien chez lui. Nos soldats se comportent à merveille dans son village ; il nous en sait fort bon gré, et il nous témoigne tous les jours de la manière la plus aimable, qu'il est charmé de nous avoir, et qu'il sera très fâché de nous perdre.
Adieu, mon ami. Je te prie de donner de mes nouvelles à ma chère mère et d'embrasser de ma part toute la famille. Je conviens que je suis resté un peu longtemps sans t'écrire, mais tu me rendrais bien peu de justice si tu regardais mon silence comme une preuve d'indifférence ou d'ingratitude. Je t'aime certainement de tout mon coeur, et, si quelque chose peut me faire oublier quelquefois et les malheurs de notre pauvre patrie et mes chagrins particuliers, c'est le souvenir de toutes les preuves de bonne amitié et de tendresse que tu n'as cessé un seul instant de me donner depuis dix ans. Je me porte bien.

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