Davout au Major général de la grande armée, prince de Neufchatel, etc
Posen, 10 novembre 1806

Monseigneur, par votre lettre du 8, Votre Altesse Sérénissime m'invite à lui donner plus de détails sur les motifs de plainte que j'ai contre le général ***. Les voici ; ils sont d'une nature à ne pouvoir jamais être oubliés par un général en chef :
Dans la nuit du 13 au 14, dans l'attente des ordres de l'Empereur et pour ne pas perdre une minute dans leur exécution, j'avais prié tous les généraux de division et tous les commandants des armées de se réunir chez moi et d'y passer la nuit. Tous le firent : le général *** s'y présenta comme les autres, et il me mit dans le cas de l'inviter plusieurs fois, avec beaucoup de modération, du reste. Malgré mes instances, il s'en alla à mon insu à trois heures du matin. Lorsqu'un aide de camp m'apporta les ordres de l'Empereur, tous les généraux partirent aussitôt pour mettre en marche leurs troupes. Ce ne fut qu'à cinq heures qu'on put parvenir à trouver le général ***, qui me montra, dans cette circonstance, un esprit mauvais et dangereux, et beaucoup d'insolence, parce qu'il sentait qu'on avait besoin de lui. Il en est résulté que sa cavalerie, au lieu de déboucher la première, est débouchée trois heures plus tard, et que je ne l'ai eue que vers les neuf ou dix heures. Enfin, sans avoir été positivement mécontent du général ***, dans l'affaire, je n'ai pas eu à m'en louer.
Le général ***, en outre, a laissé piller toute sa cavalerie légère, dans l'arrondissement de Francfort, où elle a pris et revendu plus de 240 chevaux ; et lui-même a fait des demandes de chevaux qu'il a convertis en argent, nonobstant la défense que je lui avais faite plusieurs fois. Je suis beaucoup plus content de la cavalerie légère, sous tous les rapports, depuis le parti que j'ai pris.

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