Le Maréchal Davout à l'Empereur et Roi
Posen, 12 novembre 1806

Sire, je n'ai point de nouvelles à donner à Votre Majesté depuis celles que j'ai adressées au prince de Neufchâtel, venant de Varsovie. Tous les bruits du pays sont que les Russes se sont arrêtés sur la frontière, d'après les nouvelles qu'ils ont reçues de la défaite des Prussiens. A chaque instant j'attends quelque chose de plus positif à cet égard.
Un Juif que j'ai fait partir le 7 novembre pour Thorn est arrivé hier soir ; on n'y attendait pas prochainement les Russes. Des magasins de blé qu'ils avaient faits dans le mois d'août, à Thorn, Wroclaveck, Nieszawa, ont été mis en vente et vendus depuis quinze jours. Cette nouvelle paraît certaine.
La garnison de Thorn était d'un régiment de hussards noirs et d'un régiment d'infanterie, le même qui était parti de Posen. Tout le reste de l'armée prussienne est dans les environs de Graudenz.
Aucun préparatif n'était fait pour brûler le pont de Thorn ; on avait seulement décloué les madriers et ôté les planchers.
Plus je reçois de rapports des partis des troupes légères, plus j'acquiers la conviction de l'unanimité qui existe dans ce pays, pour secouer le sjoug des Prussiens, des Russes et des Autrichiens. Partout nos détachements sont accueillis avec le plus vif enthousiasme, par les nobles comme par le peuple.
Posen est encombré de tous les Palatins et des premières familles nobles de la Pologne, qui se sont réunis pour venir au-devant de Votre Majesté.
Ce soir nous aurons assez de fours pour faire confectionner 50.000 ou 60.000 rations, et demain ou après, cette quantité sera doublée.
Nous ne devons pas compter sur les fours de la ville, qui peuvent à peine suffire aux besoins de la population, qui est doublée depuis quelques jours, par l'affluence des nobles polonais.
Les approvisionnements ordonnés s'exécutent.
J'ai fait publier la nouvelle de la prise de Magdebourg et du corps du général Blücher.
Le bruit circule ici depuis vingt-quatre heures qu'à Varsovie les habitants ont désarmé les troupes qui y étaient : ils en ont déjà fait assez pour s'attirer des vengeances terribles, s'ils restent sous le joug de leurs maîtres actuels.

retour à la correspondance de Davout