Davout au Major général de la grande armée, prince de Neufchatel, etc
Posen, 14 novembre 1806

Monseigneur, j'ai reçu l'annonce de Votre Altesse de l'arrivée de la division du général Klein.
Le temps qu'il a fait cette nuit a retardé la manutention ; mais à compter d'aujourd'hui, on pourra faire de 50.000 à 60.000 rations, ce qui m sera d'un grand secours, attendu que nous étions sans pain.
L'officier d'état-major que j'ai envoyé pour avoir des nouvelles du maréchal Lannes me fait le rapport que la division Suche est entrée le 13 à Nakel, près de Bromberg, sur le canal qui se jette dans la Vistuke. Il me mande que la canonnade dont j'ai parlé à Votre Altesse dans une de mes lettres est ignorée là.
Les renseignements commencent à arriver. A Varsovie, le 8, les commerces avaient reçu la nouvelle que l'annonce de la défaite de l'armée prussienne avait produit une grande sensation à Pétersbourg ; que l'Empereur voulait secourir le roi de Prusse, mais que cette opinion n'était pas celle du Sénat.
Il paraissait certain que les Russes étaient en marche sur la Vistule, pour se réunir aux Prussiens entre Graudenz et Plock.
Le 9 novembre est arrivé officiellement dans le Palatinat de Lenczica l'ordre de préparer, pour le 15, des vivres pour 30.000 Russes : le 10, il est arrivé un contre-ordre.
Lenczica est une forteresse qui a été évacuée par les Prussiens ; il s'y trouve beaucoup de magasins. On trouvera les canons dans les environs, les paysans qui les conduisaient s'étant sauvés avec leurs chevaux.
Demain, j'aurai un parti de cavalerie qui entrera dans cette forteresse.
Le 11, la chambre de Wroclaweck a envoyé officiellement à celle de Kalisz l'avis qu'une colonne russe, dont on précise la force, arriverait du 21 au 22 sur le territoire de Plock. J'envoie à Votre Altesse la traduction de cet avis qui a été interceptée.
Aujourd'hui, mon aide de camp, Perrin, arrive avec un fort parti de troupes légères à Wroclaweck : demain, j'aurai des nouvelles positives.
J'envoie également un rapport de quelqu'un qui est parti de Varsovie le 11.
Le séjour de Sa Majesté à Berlin a jeté quelque inquiétude parmi les Polonais : ils craignent des négociations contraires à leurs voeux bien prononcés.
La proclamation du général Dombrowski commence à être répandue et produit son effet. Dans beaucoup d'endroits, des patrouilles prussiennes ont été prises et désarmées.
Un officier prussien, envoyé à Kalisz par le commandement de Czenstochowa, un petit fort sur la frontière de la Silésie et de la Pologne, a été pris par les paysans. La garnison de ce petit fort est composée du 3è bataillon d'un régiment qui est à Varsovie.
Le général Dombrowski m'a soumis le projet ci-joint, dont j'ai autorisé la publication. J'ai mis à sa disposition les fusils venant de Custrin.
En général, à Varsovie, et dans tous ces pays-ci, on regarde les annonces de l'arrivée des Russes, envoyées par des chambres, comme des ruses prussiennes. Cependant il me paraît qu'ils sont en marche. Tous les voyageurs qui ont vu cette armée s'accordent à la dépeindre comme n'étant pas encore remise des désastres d'Austerlitz et comme animée d'un mauvais esprit.
Je joins ici un rapport envoyé de Kalisz par le colonel du 12è chasseurs, qui confirme ce que j'ai déjà dit à Votre Altesse sur l'esprit qui anime les Polonais.

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