Le Maréchal Davout à l'Empereur et Roi
Posen, 15 novembre 1806

Sire, j'ai reçu les ordres que Votre Majesté m'a adressés de Berlin le 13 novembre à quatre heures du soir. Son Altesse le prince de Neufchâtel me donnait en même temps l'ordre de me porter avec un corps d'armée sur Gnesen ; mais Votre Majesté, par sa lettre, me laissant la latitude d'aller à Kowal, je serai rendu beaucoup plus promptement à Thorn, à cause de la nature des chemins. De Gnesen à Thorn, ce n'est que défilés et un pays peu propre à la nombreuse cavalerie que j'ai ; en outre, la certitude que j'ai que les Russes ne sont pas encore arrivés sur la rive droite de la Vistule, et que les ponts sur cette rivière, même celui de Thorn, sont détruits, m'a déterminé à prendre cette route plutôt que celle de Gnesen, puisqu'il n'y a pas à craindre de mouvement offensif de l'ennemi, jusqu'à l'époque où je serai près de la Vistule. En prenant ce parti, je rassure encore les Polonais qui, depuis quelques jours, ne voyant pas qu'il fût question de l'arrivée de Votre Majesté à Posen, avaient conçu des inquiétudes.
Les ordres renfermés dans la lettre de Votre Majesté recevront leur exécution.
A chaque instant, il arrive des personnes de Varsovie, toutes parties du 8 au 10. On n'attendait là que les ordres du général Dombrowski et l'annonce de l'arrivée des Français pour faire main basse sur la garnison prussienne. Ces rapports s'accordent sur l'entrée des Russes sur le territoire prussien : toutes leurs colonnes se sont mises en marche vers le 30, ainsi que Votre Majesté en a été informée ; elles devaient se porter sur l'Oder, ignorant les désastres de l'armée prussienne ; depuis, il est certain qu'en ayant eu connaissance, ils ont pris un autre parti, et des colonnes se sont arrêtées. Est-ce pour rétrograder ou pour se réunir entre Plock et Graudenz, sur la rive droite de la Vistule ? voilà ce qui est encore incertain, mais ce qui sera éclairci sous quarante-huit heures.
Un rapport de Varsovie dit qu'une colonne de 10.000 Russes a forcé, en Gallicie, le passage à quelques postes autrichiens, et qu'ils se portent, par Radom, sur Breslau. Si ce rapport est exact, ce mouvement est le résultat des ordres donnés avant la connassance de l'arrivée des Français sur l'Oder. Quoi qu'il en soit, j'ai envoyé des partis sur ce point pour être instruit. D'ailleurs, il est utile de montrer des Français dans tous ces pays.
Depuis le 12, je suis en communication avec le général Suchet, qui est arrivé le 13, à quatre heures après midi, à Nakel. J'ai un officier d'état-major qui fera connaître au maréchal Lannes mon mouvement, et qui me donnera des nouvelles de sa marche. La forteresse de Lenczica, dont parle Votre Majesté, doit avoir été prise aujourd'hui pa des hommes du pays et par des troupes légères.
Je donne connaissance à Son Altesse Impériale le prince Jérôme du départ du corps d'armée de Posen, en lui mandant que les nouvelles que j'ai de l'ennemi ne me font pas présumer que l'arrivée de son corps d'armée à Posen soit nécessaire.
J'ai l'honneur d'aresser à Votre Majesté les renseignements qu'elle me demande, non selement sur la nature du pays jusqu'à Varsovie, et de Thorn à Grodno, mais bien au-delà, jusqu'en Russie et sur la mer Noire. Ils sont le travail d'un homme très-intelligent, qui est avec moi depuis Bamberg, qui ne fait que cela et qui a recueilli une foule de notions qui lui ont été fournies par les négociants, les voyageurs, etc.

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