Davout à Son Altesse Impériale le prince Jérôme, commandant le corps des alliés.
Posen, le 15 novembre 1806

Monseigneur, j'ai l'honneur de faire connaître à Votre Altesse Impériale que conformémént aux ordres de Sa Majesté, je pars de Posen demain, avec le corps d'armée et les deux divisions de dragons Beaumont et Klein, et la division de cavalerie Nansouty, mises provisoirement sous mes ordres. Du 18 au 19, je serai à Kowal, à portée de Thorn et de Varsovie, où j'envoie mes troupes légères.
Le maréchal Lannes est, aujourd'hui 15, vis-à-vis de Thorn, dont le pont a dû être brûlé.
Tous les rapports s'accordent à dire que les Russes se portent sur la rive droite de la Vistule, pour se réunir aux Prussiens du côté de Graudenz. Il y a eu hésitation dans la marche des Russes. Ils sont partis d'abord à journées d'étape, ignorant les grands revers de l'armée prussienne ; mais en route, en ayant eu connaissance, ils doivent avoir changé de projet et renoncé à passer la Vistule.
J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Altesse Impériale le dernier rapport de Varsovie.
Sa Majesté, dans ses derniers ordres, me mande que le maréchal Lannes sera le 15 à Thorn, et m'ordonne de porter mon corps d'armée de manière à le soutenir en cas d'événement. Pour peu qu'il y ait rien de sérieux, je dois en rendre compte à Votre Altesse Impériale et vous conseiller de vous rendre à Posen. Comme tout annonce, par la destruction de tous les ponts sur la Vistule, et par tous les rapports, que l'ennemi n'a aucun projet offensif, je pense qu'il n'y a aucun inconvénient à suivre vos projets sur Glogau, qu'on assure ici être pris, et sur Breslau. La grande population de cette dernière place, la faiblesse et la mauvaise composition de sa garnison doivent faire espérer qu'elle se rendra facilement.
Je dois faire connaître à Votre Altesse Impériale que dans les rapports que j'ai reçus, il y en a un qui annonce qu'une colonne de 10.000 Russes a dû forcer, en Galicie, le passage à quelques postes autrichiens, et se diriger sur Breslau, en passant par Radom.
Cette marche, si elle a été commencée, devait tenir au premier plan des Russes, qui se portaient à journées d'étapes sur l'Oder : mais des contre-ordres ont dûs certainement être donnés à cette colonne, et dans tous les cas, je regarde comme impossible que son mouvement se continue.
Un parti de 200 chevaux qui était à Kalisz se porte sur Gsenztochowa, qui est une spèce de fort, où il n'y a que quelques invalides et des recrues, qui ont dû l'évacuer ou qui se rendront à l'approche des troupes françaises. ce parti a l'ordre de prendre des renseignements sur cette colonne russe, et j'aurai l'honneur de vous faire connaître si, contre toute vraisemblance, elle faisait ce mouvement.
Je charage l'officier qui vous remettra cette dépêche, de me faire connaître les endroits où je pourrai vous adresser tous les renseignements qui me parviendront.
Je suis le 16 à Wreschen, le 17 à Kleczewo, le 18 à Sompolno.

P.S. A l'instant où je fermai cette lettre, m'arrive un rapport de Varsovie, postérieur de quelques heures seulement à celui que je vous adresse : j'ai tout lieu de croire à sa véracité. Quoique les Russes se soient présentés plus tôt que je ne le supposais, cela ne fait que m'engager à accélérer le mouvement que je fais sur Sompolno, où j'arriverai demain de ma personne, pour être plus à portée des nouvelles. Cela ne change rien non plus aux réflexions que j'ai eu l'honneur de faire à Votre Altesse Impériale, puisque vous aurez toujours le temps de vous porter sur Posen.
Il serait seulement à désirer que vos troupes légères se raprochassent de Posen et fussent instruites de votre quartier général, pour pouvoir l'enseigner aux officiers et estafettes que je vous adresserai.

retour à la correspondance de Davout