Davout au Major général de la grande armée, prince de Neufchatel, etc.
Sompolno, 20 novembre 1806

Monseigneur, l'aide de camp de Votre Altesse, M. Montholon, m'a remis vos dépêches du 16.
Votre Altesse aura pu voir que les intentions de l'Empereur pour l'occupation de la petite forteresse de Lenczica ont été remplies. Mon aide de camp Perrin y est entré le 18 avec 200 hommes d'infanterie. Il a toutes les instructions nécessaires pour mettre cette petite place en état de défense.
On m'a annoncé que les Polonais confédérés avaient arrêté à Stawisczyn, entre Kalisz et Lenczica, 16 pièces d'artillerie. Si le rapport est vrai, j'ai envoyé l'ordre qu'on ne perde pas un instant pour envoyer cette artillerie à Lenczicka. S'il n'est pas fondé, j'y ferai passer 4 pièces d'artillerie prussiennes que j'ai prises à Custrin et que j'avais ajoutées à l'artillerie de l'armée.
Le rapport, en date d'hier, que j'ai adressé à Votre Altesse, lui fera voir que j'ai pourvu, à l'article des subsistances, au delà de ses appréciations. Tout le monde ici est plein de la meilleure volonté, et l'on met une intelligence extraordinaire dans l'exécution des ordres. Les troupes, depuis Francfort jusqu'ici, se sont très-bien comportées, il n'y a eu que quelques plaintes particulières ; la population est restée et est tranquille, et conserve ses mêmes sentiments pour nous. On m'annonce que la division du général Klein, qui arrive bien lentement, se consuit d'une manière toute différente. Très-certainement, si le rapport que des villages et des châteaux ont été incendiés sont exacts, je témoignerai mon mécontentement à cet officier général.
Le maréchal Lannes, le 19, était encore devant Thorn. Il y avait des parlementaires. Si ce général n'est pas entré dans Thorn, je présume que les ennemis n'avaient d'autre objet que de gagner du temps, pour faire arriver quelques Russes. Ce qui me le ferait croire, c'est que, le 18 au soir, on a aperçu, de l'autre côté de la Vistule, vis-à-vis de Wroklaweck, quelques Cosaques.
Les nouvelles des 16 et 17 de Varsovie sont toujours les mêmes. Les Cosaques étaient venus en reconnaissance sur la route de Thorn, de Posen et de Rawa. Les autres troupes russes étaient sur la rive droite de la Vistule, à Praga.
Je ne puis pas tarder à avoir des nouvelles certaines sur le parti que les Russes auront pris, depuis que les circonstances ont dû les forcer de changer la direction de leur marche dont il a été donné connaissance à Votre Altesse.
J'adresse à Votre Altesse quelques lettres interceptées. Il y en a une du général Koler, gouverneur de Varsovie, en date du 13, où il conseille à un détachement de se diriger à travers la Silésie supérieure, vers Glatz. Est-ce parce qu'ils seraient plus en sûreté près des Autrichiens ?
Il y a, dans les extraits des lettres interceptées, une lettre de Varsovie du 17. La phrase qui m'a le plus frappé est celle-ci :
"Dieu sait quelle fin aura tout cela, si malheureusement l'affaire de Graudenz n'a pas une issue à souhaiter."
Et aussi celle-ci : "On annonce que des Russes se dirigent en aussi grande quantité que sur la basse Vistule."
Ces extraits sont assez mal soignés. Je regrette qu'on ne m'ait pas envoyé les pièces originales.
A l'instant je reçois le rapport ci-joint du capitaine Tavernier. Connaissant cet officier intelligent et ferme, j'y dois faire quelques fonds.
Je réunirai demain le coros d'armée et reconnaîtrai le pays.
J'ai fait connaître ce rapport à Son Altesse le prince Jérôme et au maréchal Lannes, qui m'a prévenu qu'il marcherait de mon côté, si cela devenait nécessaire. Je le prie de me mander s'il fera occuper Arzec par une avant-garde. Enfin je me concerterai avec lui.
J'envoie des partis pour observer la route de Breslau à Varsovie, présumant que l'ennemi peut avoir l'intention de jeter qelques troupes dans les places de la Silésie, et pour couvrir ce mouvement, d'occuper avec quelques forces la Bzura.

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