Davout au Major général de la grande armée, prince de Neufchatel, etc.
Zichlin, 27 novembre 1806

Monseigneur, j'ai l'honneur d'envoyer à Votre Altesse une copie de la capitulation du fort de Czenstochowa, en même temps que les revers des officiers qui ont été faits prisonniers dans ce fort ; ils y étaient au nombre de quatorze qui ont été renvoyés chez eux sur parole ; le reste de la garnison était composé de 460 hommes qui sont conduits sur Posen, à l'exception de 60 Polonais à qui la capitulation même a réservé la faculté de servir avec les Polonais, et qui font aujourd'hui partie de la garnison que nous avons dans ce fort, après s'être enrôlés dans une compagnie polonaise qui s'est organisée sur les lieux.
On a trouvé dans le fort 500 fusils en bon état, 24 bouches à feu, 296 quintaux de poudre dont une partie est avariée, une grande quantité de cartouches, quelques caissons assez bons, 100 tonneaux de farine, et quelques sacs d'avoine.
Le fort de Czenstochowa n'est autre qu'un monastère enfermé dans un carré bastionné, et c'est dans ce monastère qu'était conservé le trésor dont j'ai déjà eu l'honneur d'entretenir Votre Altesse. Ce trésor formé des offrandes pieuses des nations voisines passe pour avoir une assez grande valeur. Les habitants du pays mettent le plus grand prix à sa conservation dans cette église, où est une image de la Vierge qu'ils regardent comme la patronne de la Pologne. D'après leurs réclamations, j'ai ordonné qu'il restât sous la surveillance et la responsabilité de ses anciens gardiens jusqu'à ce que Votre Altesse m'ait fait connaître les ordres de Sa Majesté. En attendant, il en sera dressé un inventaire que j'aurai l'honneur de transmettre à Votre Altesse.
Il s'est organisé à Czenstochowa une compagnie polonaise d'environ 100 hommes, commandée par un ancien capitaine polonais, et qui forme la nouvelle garnison du fort ; elle y est secondée par le 12è régiment de chasseurs que j'y ai placé jusqu'à ce qu'il y arrive quelques troupes d'infanterie pour le relever. Je dois à ce sujet informer Votre Altesse que j'ai eu l'honneur d'écrire à Son Altesse Impériale le prince Jérôme pour le prier d'envoyer quelques centaines d'hommes d'infanterie pour la garde de ce fort.
J'ai de plus invité le général polonais qui est à Kalisz à y faire passer deux ou trois des compagnies qu'il a organisées et qui sont sans armes, pour y recevoir celles de la garnison prisonnière et faire le service du fort conjointement avec les troupes que pourra y envoyer Monseigneur le prince Jérôme.
Je ne négligerai point cette occasion de rappeler à Vaotre Altesse que c'est à l'intelligence et à la bonne conduite du chef d'escadron Deschamps, du 12è de chasseurs, qu'est dû en partie le succès de l'opération dont il était chargé pour l'enlèvement de ce poste. S'étant présenté le 18 à huit heures du soir devant les remparts, il y fut reçu pa un feu assez vif que l'ennemi dirigeait du côté où il avait vu ses troupes. Ce chef d'escadron dispersa adroitement son monde autour du fort, eut soin de faire allumer des feux de tous les côtés et de placer à côté de ses vedettes des chasseurs à pied à qui il fit mettre leurs plumets et leurs épaulettes de grenadiers pour persuader à l'ennemi qu'il avait avec lui quelques troupes d'infanterie. Il en fut en effet la dupe ; en reconnaissant au point du jour ces doubles sentinelles, il se crut attaqué par beaucoup plus de monde qu'il y en avait, et accepta la capitulation que le chef d'escadron Deschamps lui proposa. Je supplie Votre Altesse de vouloir bien mettre ces détails sous les yeux de Sa Majesté, et de demander pour cet officier supérieur le grade de colonel qu'il mérite par son intelligence, sa bravoure et ses bons et anciens services.
Aussitôt la prise du fort, le chef d'escadron Deschamps envoya aux nouvelles un détachement de 20 hommes à Tarnowitz, sur la route de Kosel, en Silésie, et pour y enlever une caisse royale que les rapports du pays lui avaient fait connaître. Ce détachement revenait déjà avec ce faible trésor dont il s'était emparé, quand il eut connaissance d'un détachement de 400 hussards prussiens qui était déjà sur ses talons et qui le poursuivit bientôt. Il fut obligé d'abandonner le trésor, mais il ne perdit aucun de ses hommes. Il paraît certain, d'après les rapports de l'officier qui commandait ce détachement, qu'il existe à Kosel trois bataillons et 500 chevaux prussiens qui tiennent la campagne.

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