Le Maréchal Davout à l'Empereur et Roi
Francfort, 4 novembre 1806

Sire, les intentions de Votre Majesté sont remplies ; nous ne touchons point aux magasins qui sont à Custrin. Le 3è corps tire ses subsistances des ressources qu'on a trouvées à Francfort.
J'ai envoyé un adjudant général avec un détachement pour faire amener à Francfort tous les bâtiments chergés qui étaient sur le canal de jonction de la Sprée à l'Oder ; le commissaire des guerres Désirat, faisant les fonctions d'ordonnateur, adressera incessamment à M. l'intendant général les procès-verbaux de ce qu'ils contiennent. On a déjà annoncé qu'il y avait pour plus de 200.000 francs de sel appartenant au Roi et une très-grande quantité d'avoine.
J'ai reçu ce matin un rapport d'un de mes officiers que j'ai envoyé sur Breslau avec 80 chevaux, pour arrêter les courriers et avoir des nouvelles ; il m'écrit de Beuthen, sur l'Oder, à quelques lieues de Glogau, que toute la Silésie est sans troupe prussienne, excepté les places fortes ; que la garnison de Glogau se montre à 3.500 hommes, dont 1000 de cavalerie ; elle est composée comme celle de Custrin des 3è bataillons : le général-major Nargitz commande la place, il passe pour être très-inquiet et médiocre.
J'ai reçu un rapport du colonel du 12è de chasseurs qui est à Landsberg, où il a trouvé des magasins considérables ; l'ennemi est très-loin ; j'ai fait pousser des partis sur les routes de Posen, Schneidemühl et en avant de Friegberg ; j'aurai sous vingt-quatre jeures de ses nouvelles.
A l'arrivée de Son Altesse Impériale, le prince Jérôme, j'aurai l'honneur de lui donner tous les détails que j'ai sur la Silésie.
La terreur est répandu dans toute cette province ; on leur annonce des Russes auxquels ils ne croient point et dont ils redoutent même l'arrivée.
Le pont de Crossen, que ce détachement avait trouvé endommagé, est déjà remis en état.
J'attends des nouvelles du colonel Exelmans, qui a dû entrer à Posen hier matin ; il me donnera des renseignements exacts sur l'esprit des Polonais ; toutes les lettres interceptées écrites par les employés prussiens, dans cette partie, peignent les Polonais comme se réjouissant de nos victoires et parlant de se révolter ; ces employés s'occupent déjà des moyens de se sauver.
Le 27 octobre, le roi et la reine de Prusse on couché à Filehne ; le 28, sur une estafette qu'ils ont reçue, ils ont rétrogradé à Driesen ; le 29 au matin, ils ont pris la route de Stettin ; les nouvelles qu'ils ont apprises en route leur ont fait prendre une autre direction.
J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté que, d'après ses ordres, j'avais envoyé à Spandau tous les hommes démontés de ma cavalerie pour avoir des chevaux ; ils sont revenus sans en avoir reçu.
J'ai le rapport qu'il y a à Driesen des magasins très-considérables ; je n'ai fait occuper cet endroit que par de la cavalerie légère ; Votre Majesté m'ayant ordonné d'envoyer une division à Landsberg, j'y envoie celle du général Friant.
D'après tous les rapports, les Russes paraissent avoir fait un mouvement dans les derniers jours de septembre pour se rassembler à Wilna et Grodno. Je n'ai reçu aucune nouvelle qu'ils se soient portés en avant.
Le roi de Prusse, en partant de Driesen pour prendre la route de Stettin, a expédié M. le comte de Ponckin, attaché à la légation russe et porteur, selon lui, de dépêches importantes pour l'empereur Alexandre. Il a été rencontré à une station de poste : il a demandé à un voyageur qui venait de Russie s'il avait rencontré les Russes sur le territoire prussien ; la réponse ayant été négative, il s'est écrié : Il n'y a plus de ressources pour les Prussiens.

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