Instructions pour le général Davout, commandant le camp de Bruges
Paris, le 18 fructidor, an XI de la République française (4 septembre 1803)

Tout se fait, Citoyen Général, pour préparer la grande expédition contre l'Angleterre ; mais rien n'est encore terminé.
On travaille à Ostende, à Dunkerque, à la construction de plusieurs chaloupes et de plusieurs batteries. Vous devez favoriser et fournir de tous les moyens qui dépendent de vous ce qui peut activer ces travaux si importants.
Les ennemis peuvent tenter, par des bombardements, par des attaques de nuit, de retarder tous les travaux. C'est à vous, Général, qu'il appartient de se concerter avec l'amiral Bruix ou le vice-amiral, afin de prendre toutes les mesures possibles pour que les travaux ne soient pas retardés et que l'ennemi ait lieu de se repentir de toutes les entreprises qu'il voudrait faire.
Le premier obstacle que nous ayons à franchir pour arriver au but que le Premier Consul se propose ne peut l'être sans les secours les plus efficaces de la marine.
Un objet important de la conduite des généraux commandant en chef doit consister à vivre en très-bonne harmonie avec l'amiral ; encourager, soutenir un corps auquel les individus de l'armée de terre sont disposés à reprocher les malheurs qu'a éprouvés la marine ; il faut éloigner ces souvenirs et concilier autant que possible l'affection de la marine et de l'armée de terre ; il ne faut pas se dissimuler que nous avons une tâche très-difficile dans cette expédition.
La surveillance des côtes : bien placer les détachements de cavalerie, les batteries mobiles ; les inspections fréquentes sur les batteries des côtes, tant pour s'assurer de l'aptitude des canonniers que de l'approvisionnement et de la bonne tenue des batteries, sont des parties importantes et qui doivent attirer les soins du général, sur le service des côtes.
Il doit y avoir un mouvement de bateaux de Dunkerque à Ostende. L'ennemi mettra tous ses soins à l'intercepter : il faut donc que l'armée soit disposée de manière que, lorsque les mouvements auront lieu, les bâtiments de la flottille soient protégés, et par les batteries mobiles et par des détachements de cavalerie et d'infanterie bien placés.
Lorsqu'il y aura des péniches et des bâtiments en rade, l'amiral doit les faire sortir ; on doit alors y mettre des garnisons, ainsi qu'il a été ordonné. Il est extrêmement nécessaire que ces soldats s'accoutument à manier les avirons, car nous n'aurons jamais assez de matelots si les soldats ne s'exercent pas à ramer.
Une fois le détroit passé, on aura à faire une campagne d'hiver ; il faut donc veiller à ce que le soldat ait tout ce qui lui es nécessaire.
Une grande partie de l'armée est composée de conscrits ; il est donc important de veiller à ce que dans les cantonnements et aux corps les soldats s'exercent fréquemment ; les conscrits particulièrement doivent faire souvent l'exercice à feu.
Les ordres ont été donnés pour la formations des camps à Dunkerque et à Ostende ; il est important qu'ils puissent être placés de manière que dans un quart d'heure l'armée puisse s'embarquer si cela était nécessaire.
Tels sont, Citoyen Général, les principales idées sur lesquelles vous devez baser vos ordres et vos dispositions.
Les baraques pour les soldats doivent être faites de manière à pouvoir y passer l'hive.
Quant aux officiers généraux, le Premier Consul ne tient pas à ce qu'ils aient des baraques en planches, au milieu du camp, ce qui serait très-cher ; ilsz pourront occuper les maisons qui se trouvent à portée des troupes dont le commandement leur est confié.
Je préviens le général Belliard qu'il ne doit donner aucun ordre dans l'île de Cadzandt, ni faire aucun mouvement qu'après en avoir obtenu votre agrément.
A. Berthier.

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