Davout au Premier Consul
28 fructidor an XI (14 septembre 1803)

Mon Général, j'ai prévenu le ministre de la guerre de mon arrivée, et lui ai mandé que je voulais avoir le temps de me mettre au fait du commandement que vous m'avez confié, et me procurer des renseignements sur les divers objets que me prescrivent vos instructions avant d'avoir l'honneur de vous rendre compte de l'exécution de vos ordres.
Trois objets m'ont été particulièrement recommandés :
1° La prompte organisation de l'armée et la faire baraquer pour le 1er vendémiaire dans les camps sous Ostende et Dunkerque ;
2° Les constructions maritimes ;
3° Défense des côtes et particulièrement Ostende.

1° La prompte organisation de l'armée, etc...
La 13è légére, les 51è, 61è, 108è et 11è de ligne, qui sont les eules troupes parvenues dans l'arrondissement du camp de Bruges, seront baraqués d'ici au 1er vendémiaire sous Ostende dans deux camps que j'ai reconnus sur les dunes à la droite et à la gauche de cette place, de manière à remplir vos intentions pour la proximité des lieux d'embarquement.
La position des camps est la plus saine du pays, et ayant fait creuser dans les dunes sur toute la ligne à 3 pieds de profondeur, on a trouvé de l'eau meilleure que celle dont on fait usage à Ostende.
Les baraques sont faites avec deux perches de sapin et couvertes de joncs. Cette couverture est préférée à la paille dans le pays, qui offre sous ce rapport assez de ressources.
J'ai envoyé pour commander provisoirement la division qui doit se rassembler sous Dunkerque, le général de division Durutte, le seul que j'eusse encore. Ce camp sera baraqué à peu près à la même époque.
Les divers services sont assurés.
Quant à l'artillerie, je n'ai encore connaissance que de la nomination du général Sorbier ; j'ai deux faibles compagnies d'artillerie à pied employées à la défebse d'Ostende.

2° Constructions maritimes.
Toutes celles ordonnées à Ostende seront prêtes pour l'époque convenue dans les marchés, à l'exception de deux prames qui n'avancent point faute de bois. J'espère lever ces obstacles d'ici à quelques jours.
A Bruges, les péniches et quelques autres bâtiments seront prêts. J'ai trouvé à mon arrivée une grande mésintelligence qui arrêtait la construction de deux prames dont on a seulement placé les quilles. Ces obstacles et d'autres sont levés, et les chantiers sont en pleine activité. Sous trois mois on a l'espérance d'avoir les deux.
A Gand, le rapport ci-joint de mon aide de camp que j'avais envoyé pour cet objet, vous fera connaître les retards et les motifs.
A l'égard d'Anvers et des autres endroits où l'on construit, il y a encore plus de lenteur. Je suis informé qu'on vous en a rendu compte particulièrement.

3° Défense des côtes et particulièrement d'Ostende.
Ostende est dans un état satisfaisant, et on le doit à l'activité et à l'intelligence du contre-amiral Magon. Je regrette qu'il ait reçu une autre destination.
La batterie du musoir de l'est est aussi avancée que les terres l'ont permis.
Dès que j'aurai des pièces de campagne, j'établirai le service des batteries mobiles.
66 bateaux de pêche de Blankenberg sont entrés à Ostende dans la nuit du 27. On a eu beaucoup de peine à faire sortir les maîtres pêcheurs et à les y conduire. C'est le pilote dont vous avez placé le fils à Compiègne qui est sorti le premier, et a déterminé les autres par son exemple.
Le général Durutte me mande que les bateaux canonniers sont partis pour Boulogne le 27 à dix heures du matin.
Les rapports du général Monnet annonçant toujours l'attaque de l'île de Walcheren, et quelques autres circonstances, ont porté mon attention sur la défense de l'île de Cadzandt : la mauvaise saison pour les maladies ne me permettant que d'y tenir des postes, j'ai fait reconnaître toutes les communications par lesquelles je me propose de m'y porter rapidement avec deux demi-brigades à la première annonce que j'aurai de l'approche de l'ennemi. A cet effet, je tiens à Ecloo la 13è légère qui se portera par Ardenbourg sur Groede et la 61è par l'Ecluse (où les moyens de passer le Swin sont préparés) sur l'estran pour attaquer les Anglais pat les derrières, en supposant qu'ils eussent effectué un débarquement et marché sur Breskens. Ma dernière brigade, dans ce cas, aurait l'ordre de se porter à l'Ecluse pour servir de réserve.
Comme il n'existait à Breskens qu'un seul mortier, j'ai donné les ordres pour qu'on y en transportât quatre qui existaient à Nieuport entièrement inutiles.
Demain, je vais avec le général Dumas dans l'île de Cadzandt.
Je dois vous faire connaître, mon Général, que la besogne d'un général en chef, avec un chef d'état-major comme le général Dumas, devient bien plus facile.
respect et dévouement sans bornes.
P.S - Je reçois à l'instant une lettre du général Monnet. J'ai l'honneur, mon Général, de vous la faire passer.

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