Davout au Premier Consul
Bruges, le 16 vendémiaire an XII (9 octobre 1803)

Mon Général, j'ai l'honneur de vous assurer que les deux compagnies d'artillerie légère qui existent dans l'arrondissement de l'armée sont organisées en batteries mobiles ; l'une est à la disposition de l'adjudant général Foy à Dunkerque, et l'autre dans les environs d'Ostende à la disposition du contre-amiral Emeriau, et doit se porter sur l'Estran au premier avis du départ des bateaux de pêche de Nieuport pour Ostende. Cette dernière compagnie n'a même reçu de chevaux qu'après la prise du sloop dont il est question dans votre lettre du 13. Ce sloop avait un équipage de trois ou quatre hommes qui a été s'échouer à une portée de canon au delà de la batterie.
Vos intentions, mon Général, ont été remplies relativement à Gravelines le 13. Au moment où vous écriviez votre lettre, je passais devant cette place la revue du 2è bataillon de la 25è (le 1er était depuis longtemps à Dunkerque), et le 14 au matin, ce 2è bataillon a eu l'ordre de se rendre à Dunkerque et y est arrivé le même jour. Ce bataillon n'a laissé à Gravelines que quatre-vingts hommes qui seront relevés tous les huit jours.
Le 1er bataillon de la 25è est entré hier dans ses baraques au camp sous Dunkerque, le 2è doit y entrer demain.
En même temps, j'ai fait écrire par mon chef d'état-major au général Gérard dit Vieux pour l'inviter à relever s'il lui était possible les quatre-vingts hommes que nous avions laissés à Gravelines, et les faire remplacer par des soldats des dépôts coloniaux.
Je désirerais vous apprendre bientôt comme vous le désirez la mise en rade d'une ou deux divisions de corvettes de pêche, mais je vous tromperais si je vous donnais cette espérance ; la lettre ci-jointe que m'a remise hier le contre-amiral Emeriau, vous mettra au fait de ce qui en est.
Quant à l'artillerie des canons de 36 et de 24 à établir sur l'angle de 45 degrés, le général Sorbier, qui se rend avec moi à Ostende pour y passer huit ou dix jours, m'a fait espérer qu'il les établirait sans être obligé d'avoir recours à Douai.
J'ai reçu du ministre de la guerre l'état de la flottille, et déjà le contre-amiral Emeriau avait fait placer sur une corvette de pêche deux chevaux et généralement tout ce qui est porté sur les états. La corvette a été jugée pouvoir comporter le tout et tenir la mer dans les huit ou dix jours que je vais passer à Ostende. J'entrerai dans tous les détails, je ferai faire les expériences devant moi, et j'aurai l'honneur de vous en faire un rapport afin que vous puissiez savoir sur quoi compter. Je ferai tout mon possible pour faire armer plus promptement que n'en a l'espoir le contre-amiral les trois corvettes de pêche.
J'aurai l'honneur de vous envoyer ces jours-ci, mon Général, l'état détaillé et comparatif, compagnie par compagnie, tel que vous le désirez, des malades depuis le 1er fructidor jusqu'au 15 vendémiaire. Il vous donnera l'assurance que nous n'en avons pas à beaucoup près autant qu'il y avait lieu d'en attendre, dans la saison où nous sommes ; et pour en dminuer le nombre, j'ai recours à toutes les précautions possibles.
J'ai ordonné entre autres il y aquelques jours aux chefs de corps de faire acheter pour leurs soldats des sabots et chaussures de laine. Quelques demi-brigades, entre autres la 3è, ont déjà exécuté une partie de l'ordre, et pour lever toutes les difficultés de manque de fonds que les chefs de corps ont mises en avant, je leur ai accordé à chacun 25 louis que je prendrai sur les frais extraordinaires que vous m'avez accordés. Par ce moyen, j'ai obtenu la certitude que mon ordre aurait son entière exécution avant la fin de ce mois.
Pour pouvoir faire entrer dans les baraques les soldats, j'ai été obligé de me servir des couvertures tirées des effets de casernement. Mais ce moyen est usé, et il est bien temps que le ministre Dejean nous fasse expédier les couvertures qui nous sont annoncées depuis le 1er vendémiaire pour pouvoir faire baraquer les demi-brigades qui font patie du camp, et qui toutes doivent être rendues à la fin du mois et au commencement de l'autre.
Dans la tournée que je viens de faire depuis Blankenberg jusqu'à Gravelines, j'ai vu tous les corps de garde des gardes-côtes et signaux dans le plus mauvais état. J'en ai écrit au préfet maritime pour qu'il les fasse réparer.
J'ai l'honneur de vous rendre compte, mon Général, que la solde des troupes est mise au courant. Il n'y a eu de plainte que contre le pain ; le commissaire ordonnateur en chef m'a promis d'y remédier.

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