Davout au Premier Consul
16 ventôse an XII (7 mars 1804)
Mon Général, j'ai l'honneur de vous rendre compte que depuis les derniers coups de vent de nord-ouest, malgré la violence desquels l'amiral Verhuel avait tenu avec la plus grande partie de la flottille batave sur les rades de Flessingue et de Breskens, les ennemis avaient renforcé leur croisière de deux vaisseaux et de quelques frégates. Ils ont été ces jours derniers presque toujours en vue de Flessingue, et hier au soir encore on leur comptait 14 voiles de guerre. Leurs corvettes éclaireurs vinrent mouiller sur la rade à petite portée de canon ; c'est ce moment même que l'amiral Verhuel a choisi pour appareiller à l'entrée de la nuit, traversant la ligne des croiseurs qui partaient au sud pour couper la route sur Ostende. Cete manoeuvre audacieuse a complètement réussi. Ce matin, à la pointe du jour, l'amiral a rallié et fait entrer ses chaloupes et ses bateaux canonniers dans le port d'Ostende, à la vue de la croisière anglaise forcée de mouiller hors de la portée de nos nombreuses batteries. Deux bricks ont vivement poursuivi un bateau canonniers qui était tombé sous le vent.
Ces mouvements sur la côte, mon Général, et souvent à quelque distance, à la vue et quelquefois sous le feu de l'ennemi, excitent, excitent au plus haut degré l'ardeur de nos soldats, déjà presque tous matelots. Les marins bataves se louent beaucoup de leur hardiesse, de leur intelligence et de leur adresse. Le 21è régiment de ligne, commandé par le colonel Dufour, a particulièrement mérité dans cette circonstance les plus honorables témoignages d'estime de la part de l'amiral.
Si cet amiral avait un plus rand nombre de pilotes, il aurait pu amener toute la première partie de la flottille ; et pour que son arrivée ne dépende plus des vents, je l'ai déterminé à faire venir les 58 bateaux canonniers qui restent dans la rade de Flessingue de cette première partie par Anvers, Gand, Bruges et Ostende. Je fais patir le général Dumas pour aller préparer les relais de chevaux nécessaires pour amener ces bâtiments, dans le cas où le vent ne permettrait pas de faire usage de la voile ans le canal. Les bateaux canonniers partiront de nuit de Flessingue, et Sidney Smith, qui commande la croisière, en ne les voyant plus le matin dans la rade, tirera bien des bordées sur Ostende et sur les côtes pour savoir ce qu'ils sont devenus ; et très-certainement lorsque le gouvernement anglais apprendra par ses agents de la Belgique que le port d'Ostende, d'où l'on a fait partir depuis quelques temps les bâtiments armés en guerre et de transport qui s'y trouvaient pour Boulogne, se remplit de nouvea par les canaux de bateaux canonniers et des bâtiments de transport (les 108 que doit fournir la Hollande, et dont 80 sont déjà à Flessingue, viendront par le même moyen), il pourra croire que cela cache de grands projets et faire des mouvements de troupe en conséquence. L'amiral Verhuel, passant encore de nouveau au travers de ses croisières avec les chaloupes canonnières qui resteront, leur prouvera que ce n'est point pa timidité que les autres bâtiments ont pris le chemin des canaux.
L'amiral Verhuel a obtenu du gouvernement batave 2000 marins qui sont pris parmi les troupes de terre hollandaises. Sous quinze jours, ces hommes, dont il espère tirer un très-grand parti, seront à sa disposition à Flessingue.
Il y a maintenant dans ce port de quoi former la deuxième partie de la flottilles de chaloupes canonnières, et il a la presque certitude qu'il aura sur la fin de mars de quoi composer la troisième partie..
L'amiral Verhuel retourne
demain à Flessingue pour y chercher et conduire lui-même à Ostende le restant des chaloupes canonnières de la première partie de la flottille.
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