Davout à l'Empereur Napoléon 1er
18 fructidor an XII (5 septembre 1804)
Sire, le ministre de la guerre m'a fait connaître le 12 que Votre Majesté Impériale, craignant que la position du camp d'Ostende ne contribuât beaucoup aux maladies qu'éprouve la troupe, me laissait le soin de décider s'il était utile de rafraîchir les troupes du camp par un cantonnement dans la ville et les environs de Bruges, et dans ce cas, de faire usage des lettres qu'il m'envoyait pour les préfets de la Lys et de l'Escaut, et de de l'ordre qui y était joint de faire ce mouvement. Il m'a invité en même temps à vous faire connaître à Aix-la-Chapelle le parti que j'avais pris pour le plus grand intérêt de l'armée. Avant d'écrire à Votre Majesté, j'ai voulu le faire avec connaissance de cause. En conséquence, j'ai l'honneur de la prévenir que je me suis déterminé à laisser les troupes au camp, Bruges et tous les cantonnements étant encore plus malsains que le camp. La petite garnison du 21è qui est dans cette ville a plus du quart de malades, et dans tous les villages de ce pays les fièvres règnent plus ou moins parmi les habitants du pays. Le 7è hussard, qui est en cantonnement, a aussi plus du quart de malades, et le 1er de chasseurs un cinquième. Les troupes qui sont au camp n'en ont que le huitième, et la division de Dunkerque le treizième. Les fièvres ne sont point longues, et la proportion des morts n'est pas augmentée dans les hopitaux, quoique le nombre des malades soit plus que triplé.
Toutes les troupes du camp d'Ostende ont dans les barraques des clayes qui sont élevées de 7 à 8 pouces de terre, sur lesquelles on a placé la paille de couchage. J'espère que cette mesure, qui préserve les troupes de l'humifité, contribuera un peu à arrêter la maladie, ainsi que le vin. Nous avons encore six semaines à passer dans cet état. Les médecins et les haitants du pays m'ayant assuré que le mois de vendémiaire était tout aussi mauvais que celui-ci, je vous demanderai, Sire, d'accorder au camp d'Ostende, pendant tout le mois de vendémiaire, la distribution extraordinaire de vin que vous avez accordée pour le mois de fructidor. J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté la note approximative de ce que cette distribution lui coûte par mois. Elle verra qu'à la 3è division les garnisons qui sont sur la flottille batave et les autres troupes cantonnées n'ont aucune part à cette distribution, la lettre du ministre de la guerre faisant connaître qu'il n'y avait que les troupes campées à Ostende qui y avaient droit.
Gravelines, Furnes, Nieuport et l'Ecluse étant les endroits les plus malsains du pays, ont été évacués, et les détachements qui y étaient, transportés sur la côte.
La nécessité nous a forcés à établir de nouveau hopitaux ; j'ai trouvé comme à l'ordinaire chez le préfet de l'Escaut une assistance et des secours efficaces. Dans très-peu de temps, il a fait porter à 900 lits l'établissement des hôpitaux qui existait à Gand, et qui n'en contenait que 250. Je ne puis trop vous faire l'éloge de son zèle et du service qu'il s'empresse de nous rendre dans toutes les occasions.
Je fais part au ministre de la guerre, par ce courrier, des difficultés que nous éprouvons pour tous ces établissements. Comme elles tiennent au manque d'argent, j'ai l'honneur de renouveler à Votre Majesté la demande que je lui ai faite le 3 fructidor.
Je citerai à Votre Majesté deux faits pour lui donner une idée des embarras où le défaut de fonds nous met : la déclaraion que vient de nous faire la commission des hospices de Bruges, qui est que si on ne lui payait pas un arriéré et une avance de 50.000 francs, elle ne pourrait pas se charger du service des autres hôpitaux que les circonstances obligent d'établir. Il en es résulté, avant que les travaux aient été repris, une perte bien précieuse dans la circonstance actuelle. On a été obligé de doubler les lits, malgré qu'ils n'aient été faits que pour un homme. Cependant j'annonce avec plaisir à Votre Majesté que sous peu de jours nous serons sortis de ces embarras.
Le service des hopitaux à Gand et à Ostende va très-bien, à Bruge très-mal, parce que malgré sa bonne volonté la commission des hospices n'a employé que des gens ineptes. J'espère que sous peu de jours, avec l'assistance du préfet, il y aura beaucoup d'amélioration ; je dois faire le plus grand éloge de l'ordonnateur en chef Chambon : il a fait dans ces circonstances plus qu'on ne devait espérer.
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