Davout au Premier Consul
21 vendémiaire an XII (14 octobre 1803)
Mon Général, d'après les comptes qui m'ont été rendus de la prise du sloop le Sans-Façon , et par les rensignements que j'ai pris moi-même sur les lieux vingt-quatre heures après l'événement, il résulte que le sloop le Sans-Façon ayant apporté de Dunkerque à Ostende de l'artillerie et voulant retourner dans ce premier port sur son lest, il rencontra entre Nieuport et Dunkerque un brick anglais qui lui donna chasse, et qui mit à la mer son canot pour l'atteindre plus promptement. Ce sloop était armé de 4 pièces de 12; mais n'ayant que 4 hommes d'équipage dont un mousse, le capitaine du sloop, se voyant joindre par le canot anglais armé d'un obusier et de 30 hommes, prit le parti d'échouer et de se sauver avec son monde dans son canot. La marée, qui déjà commençait à monter, mit bientôt le sloop à flot, et les Anglais s'en rendirent maître au moment où quelques hommes venaient pour la défendre.
Le 7è régiment de hussards, mon Général, vient d'arriver seulement aujourd'hui. Demain, je me rends à Bruges pour en passer la revue, et ensuite je le répandrai sur la côte. Jusqu'à ce moment, je n'ai pu y avoir qu'un très-petit nombre de cavalerie, n'ayant à ma disposition que le 1er régiment de cavaliers qui se trouve assez faible.
Tous vos ordres pour ce genre de srevice seront ponctuellement mis à exécution.
Ayant communiqué au contre-amiral Emeriau vos intentions sur les 54 bateaux de pêche
que vous ordonnez de mettre en état de tenir la mer au 1er brumaire, ce général m'a encore déclaré de nouveau l'impossibilité où il était de remplir vos intentions. Voici ses principales raisons que j'ai vérifiées.
La plupart de ces bateaux de pêche ont besoin dêtre calfatés et installés en raison de l'artillerie qu'on veut y placer ; plusieurs manquent de voiles, de matériel et d'équipages, et dans ce moment 14 seulement sont carénés, calfatés et ont leurs équipages, et il emploie tous ses moyens pour que ces 14 bateaux soient prêts au 1er brumaire. Il ne peut pas, mon Général, employer plus douvriers conscrits si on ne lui envoie point des contre-maîtres charpentiers pour les diriger. Il en a demandé à plusieurs reprises, et il n'a obtenu jusqu'ici que des promesses, et je ne dois point vous dissimuler, mon Général, que tant qu'on ne lui enverra point, ainsi qu'un certain nombre de calfats, voiliers et canonniers marins, rien n'arrivera à Ostende. Le contre-amiral n'a à sa disposition pour montrer le tir du canon aux soldats, que deux canonniers marins très-vieux, et qui ne pourront point tenir longtemps au métier qu'ils font depuis quelques jours. Il serait à désirer que le ministre de la marine envoie de Paris, et par la diligence s'il le faut, un nombre suffisant de contre-maîtres charpentiers, calfats, etc. C'est le seul moyen de nous mettre à même de remplir vos intentions.
La solde des marins de ce port n'est pas encore liquidée pour l'an XI. Les fonds nécessaires pour payer les entrepreneurs et les fournisseurs de la marine ne sont pas faits exactement et éprouvent toujours des retards qui ne font qu'augmenter les difficultés dans un pays où l'on ne peut traiter qu'au comptant.
A l'égard des avirons, il est impossible d'en faire dans ce pays. Le préfet maritime de Dunkerque en a promis de Bruxelles, où il s'est fait un marché. S'il ne s'exécute pas, ni corvettes, ni péniches ne seront armées.
Les troupes sont animées de la meilleure volonté.
J'ai l'honneur de vous envoyer, mon Général, l'état de situation que vous m'avez demandé par votre lettre du 13. J'y joins celui de la 25è de ligne que je reçois à l'instant et qui est le seul qui manquait.
Depuis quelques jours, j'ai pris le parti d'assigner à chaque corps une maison dans les environs du camp pour y faire donner les premiers secours par les corps eux-mêmes à ceux qui sont attaqués des fièvres du pays. Cette mesure a réussi et nous rend promptement des hommes qui, si on les évacuait, seraient perdus longtemps pour l'armée.
La troupe se trouve parfaitement du séjour du camp.
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