Davout au Premier Consul
25 pluviose an XII (14 février 1804)

Mon Général, j'ai l'honneur de vous rendre compte que je me suis rendu à Flessingue, pour y passer la revue des trois régiments qui font partie de l'armée.
Je les ai trouvés dans le meilleur état et les meilleures dispositions. Il y a quelques arriérés de solde et des gratifications de campagne dus à deux de ces régiments. J'en ai écrit à cet égard au ministre de la guerre de la République batave. Quelques fusils sont aussi à changer, j'ai adressé les demandes au général Berthier.
J'ai un compte non moins avantageux, mon Général, à vous rendre de la flotte batave. Elle est dans le plus bel état. Au 22 pluviose, il y avait trente chaloupes canonnières, 124 bateaux plats, et pour les premiers jours de ventôse, on avait presque la certitude que le nombre des premiers se monterait à 40, et celui des bateaux plats à 150. L'installation des armes, des écuries, étaient faite à bord de presque tous ces bâtiments. La première partie de cette flottille était en partance, mais on est obligé d'attendre le départ des bâtiments de transport qui se trouvent à Ostende ; sans cela elle n'aurait pas de place. Il existait 42 bâtiments de transport dont la moitié pouvait contenir de 16 à 20 chevaux ; l'autre moitié est seulement propre au transport. L'installation des écuries sera faite sous très-peu de jours ; l'amiral Verhuel attendait encore de ces bâtiments sous très-peu de temps, ainsi que 170 bouches à feu, tant canons que caronades de 24 et de 18. Il lui manquera de 700 à 800 matelots pour l'armement de la seconde partie de la flottille. Il a proposé à son gouvernement de prendre des marins qui étaient dans les troupes bataves non destinées à l'expédition et s'offriraient pour ce srevice. Il m'a dit vous avoir écrit à ce sujet. S'il reçoit cette autorisation, il aura presque ce nombre dans les troupes bataves qui se trouvent dans l'île de Walcheren.
On ne s'était préparé à metre sur chaque bateau plat que 6 avirons ; il a cru devoir porter ce nombre à 14 et à 20. Sur les chaloupes canonnières, il se trouve extrêmement embarrassé pour se procurer les 2600 qui lui manquent par suite de cette augmentation ; il m'a prié de faire mon possible pour lui trouver ce nombre d'avirons dans la Belgique ; en conséquence, j'ai l'honneur, mon Général, de vous prier de m'autoriser à en demander cette quantité à l'entrepreneur de Bruxelles qui en a fourni à Ostende et à Boulogne, à la charge par le gouvernement batave de de paye, suivant le marché qui a été convenu avec lui.
L'amiral Verhuel apprécie parfaitement sa position : il inspire la plus grande confiance, et son ambition est de gagner votre estime par ses services. Comme il y aurait beaucoup d'inconvénients à donner du désagrément à un homme qui a parfaitement saisi cette guerre-ci, il est de mon devoir de vous observer que peut-être il en éprouverait si le contre-amiral Magon se trouvait avoir un commandement à Ostende. Magon est certainement un de nos moins mauvais généraux de marine. Mais il n'est pas facile à retenir sur l'article des prestations et des pouvoirs. Il a été jusqu'ici sans inconvénient vis-à-vis de moi qui n'est jamais perdu de vue une minute la chose, et qui ai tout sacrifié à cette idée, mais il n'en serait pas de même vis-à-vis un commandant des forces navales d'une nation alliée.
Le général Durutte m'a rendu compte, mon Général, qu'à Dunkerque toutes les corvettes de pêche étaient en partance pour Boulogne. Je crois devoir vous en instruire, parce que cela est contradictoire avec les ordres que renferme votre lettre du 10.
La levée des marins se continue et n'a produit jusqu'ici que deux cents hommes ; on compte sur à peu près la même quantité. On a réparé autant que la chose a été possible le mal qu'on produit les fausses mesures dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte. La plupart des syndics se sont très-mal comportés ; au reste, si la quantité n'est pas suffisante, quelques jours après que les officiers de marine se seront retirés et auront rendu par leur départ la confiance aux fuyards, je prescris des mesures telles qu'avec les renseignements que j'ai, et que j'accumule tous les jours, je peux vous donner la tranquillisante certitude que j'en trouverai assez pour compléter le nombre de matelots nécessaires aux équipages des bâtiments composant la flottille d'Ostende.

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