Davout au Premier Consul
29 ventôse an XII (19 mars 1804)

Mon Général, j'ai l'honneur de vous adresser l'état nominatif des prames que vous me demandez.
Le commissaire général Malouet m'ayant fait connaître qu'il allait envoyer à Flessingue vers le premier germinal les deux prames la Ville d'Anvers et la Ville d'Aix, construites à Anvers, pour y recevoir leur artillerie et y compléter leurs équipages, j'ai fait passer à Flessingue 50 hommes à pied du 7è régiment de hussards et 50 hommes à pied du 1er tégiment de chasseurs pour former les garnisons de ces deux prames. Comme il reste 100 hommes à pied de chacun de ces deux régiments, il y aura encore de quoi fournir les garnisons de 4 prames, moins les malades qi se trouvent dans ce détachement. Par l'état ci-joint, vous verrez qu'indépendamment des prames d'Anvers, il en existe déjà 5 de lancées, sur lesquelles une seule est prête à recevoir son armement. Il serait difficile de prévoir les époques où les autres seront prêtes pour cela.
Vous m'ordonnez, mon Général, de vous faire connaître les moyens que nous avons pour pourvoir à l'armement des prames. Il n'existe ici que 7 pièces de 24 courtes, et 2 autres que l'on attend d'un jour à l'autre, 7 pièces de 18 en fer, 2 obusiers de 8 pouces, et si les prames pouvaient comporter quelques mortiers, il en existe ici 6 à petite portée. Voilà toutes nos ressources de ce côté, en y ajoutant cependant 21 pièces de 12 en fer. Ce calibre étant trop petit, je ne présume pas qu'on s'en serve pour l'armement des prames. Tout le reste de l'artillerie est distribué sur la côte pour protéger l'embossage de la flottille.
La plupart de nos bataillons sont déjà portés à 800 hommes par les conscrits de cette année que l'on a tirés des trois bataillons. Tous auront ce complet dans la première quinzaine de germinal, le 21è régiment d'infanterie légère seul excepté, parce qu'il lui manque encore 400 conscrits pour avoir son complet, et cela indépendamment du nombre qui lui avait été accordé cette année.
Le bateaux canonniers de la première partie de la flottille batave venus par les canaux arrivent ce soir. Demain, j'y installerai les garnisons suivant vos instructions, et ensuite je me rendrai à Dunkerque, pù je resterai plusieurs jours, et si le temps le permet, les corvettes de pêche iront en rade, sinon j'y retournerai lorsque les gros temps de l'équinoxe seront passés.
L'amiral Verhuel est à Flessingue depuis plusieurs jours ; il y a déjà une grande partie des équipages pour la deuxième partie de la flotille. Les bateaux canoniers pour la troisième partie commencent à lui arriver ; il en a déjà 14, et si les temps ne sont pas contraires, il espère avoir sur la fin de mars la totalité de la troisième partie en chaloupes canonnières et bateaux canonniers. Il aura aussi par les dernières mesures de son gouvernement les équipages pour cette troisième partie ; mais je dois vous observer, mon Général, qu'il n'existera pas de troupes à Flessingue pour former les garnisons de cette troisième partie de la flottille batave.
J'ai adressé au ministre de la guerre une demande de canonniers, les 6 compagnies de 300 hommes que nous avons ici étant insuffisantes pour fournir les garnisons des corvettes de pêche, péniches, bateaux canonniers, chaloupes canonnières, et servir les pièces destinées à la protection de la rade. Nous n'avons ici pas un seul canonnier marin. Ce sont les canonniers de terre qui instruisent nos soldats au canonnage de mer. J'ai fait réimprimer au nombre de 2000 exemplaires et distribuer à tous les officiers de l'armée l'école du canon du vaisseau. On fait une théorie pour les officiers et sous-officiers, et l'instruction des soldats par ce moyen va très-vite.
Il y a deux ou trois jours qu'un cutter anglais avec 7 ou 8 embarcations ont attaqué 2 de nos péniches qui étaient le long de la côte pour enlever les balises que les ennemis avaient placé entre Ostende et Flessingue. Le cutter a été frappé, et une embarcation anglaise a été coulée à fond, frappée par nos péniches et l'artillerie légère de la côte de 2 obus et autant de boulets. Il aurait été infailliblement pris par nos soldats, s'il n'avait pas été protégé par une frégate.
Quant au plan de la rade, mon Général, que vous me demandez par votre lettre du 18 ventôse, sur lequel devait être mise la ligne d'embossage, le général Andreossy a fourni à l'ingénieur en chef hydrographe de la marine le plan de la côte sur l'échelle de celui que j'ai l'honneur de vous envoyer, et dont la clef est ci-jointe.
Le travail qui va être adressé par le contre-amiral Magon au ministre de la marine peut être adapté au plan que je vous envoie. Ce dernier vous fera connaître les différentes batteries sur le front de la place et de la côte.
Il existe une grande différence entre la nourriture des matelots bataves et celle des marins français. Les premiers reçoivent de l'orge ou gruau, du beurre, du lard, du stockfish, objets qi n'existent point dans la distribution des seconds, et pour lesquels il n'y a aucune espèce d'approvisionnement. Les officiers bataves témoignent la crainte, si l'on change cette nourriture, de voir une désertion s'ensuivre. L'amiral Verhuel en a écrit au ministre de la marine ; il est très-urgent qu'on prenne un parti à cet égard.

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