Davout au Premier Consul
3 ventôse an XII (22 février 1804)

Mon Général, je ne peux avoir l'honneur de vous répondre sur le contenu de votre lettre du 1er que d'après ce que j'ai vu à Flessingue, et ce que m'a dit encore tout récemment l'amiral Verhuel, qui est encore retenu avec sa flottille dans ce port à cause des vents contraires.
Tous les jours j'envoie et je reçois de Flessingue un de mes aides de camp. Celui qui est arrivé cette nuit a vu toute la première partie de la flottille en rade, et l'amiral Verhuel l'exerçant sous voile à différentes manoeuvres de combat, et ayant fait tirer 300 à 400 coups de canon.
Les canaux de la Hollande ayant été pris pendant quelques jours par les glaces ont retardé l'arrivée d'une trentaine de bateaux plats et de 9 ou 10 chaloupes canonnières. Suivant toute apparence, cette cause n'existant plus, ils seront rendus à Flessingue au premier bon vent. Ainsi l'on peut compter sur une quarantaine de chaloupes canonnières et 150 à 160 bateaux plats au premier moment, et l'amiral Verhuel espérait avoir sur la fin de ventôse de quoi composer une troisième partie. Quant aux bâtiments de transport, il en avait déjà 59, et il en attendait encore d'autres. Il en aura beaucoup au delà du minimum que vous fixez pour le transport des chevaux, bagages et artillerie.
38 bateaux baleiniers, non compris les 16 qui se sont perdus en route, sont partis depuis longtemps pour Boulogne. Il en existait hier 28 à Flessingue que le général Monnet devait faire passer tout de suite au Sas de Gand pour de là être envoyés à Boulogne.
Vous m'aviez déjà annoncé, mon Général, que les garnisons de 81 corvettes de pêche devaient être fournies par la division de Dunkerque. J'aurai l'honneur de vous rappeler à cet égard que deux régiments de cette division, le 12è et le 85è, en sont éloignés. Le premier est à Calais, et le deuxième dans la division du général Suchet.
Les 50 corvettes de pêche qui sont ici en partance, ainsi que le restant dem schutters de Blankenberg et 36 bâtiments de transport. Il n'en restera plus à partir d'ici que 60 de ces derniers qui y seront encore retenus pendant une quinzaine de jours, temps nécessaire pour pouvoir procurer les matelots qui nous manquent.
La prame de Gand avait été retenue par les glaces dans les canaux ; elle est ici depuis deux jours. Il reste du cordage à faire, on ne peut pas compter l'avoir avant la fin du mois. Celle construite à Ostende pourra être prête et armée d'ici au 15. Les pièces de 24 annoncées pour l'armement de ces bâtiments n'étant pas arrivées (il n'en existe ici que 5 à la disposition de la marine), je vous propose, mon Général, de les prendre sur l'armement de la place.
Lorsque vous m'enverrez l'ordre, mon Général, de réunir toutes les troupes pour l'embarquement, alors toute la côte depuis Breskens jusqu'à Calais sera sans aucune surveillance ; les Anglais ne manqueront pas d'en être bientôt instruits, et ils vomiront encore par là des brigands ; 300 chevaux et une centaine d'hommes d'infanterie seront suffisants pour empêcher ces sortes de communications.
La plus grande surveillance est apportée pour empêcher la désertion des matelots, et elle se fait avec le plus grand succès. Depuis trois semaines le petit nombre de ceux qui se sont évadés ont été arrêtés et reconduits à la marine.
La désertion dans les troupes est presque nulle ; depuis trois mois il n'y a pas eu plus de 10 à 12 déserteurs sur toute l'armée.
Une des prames de Bruges sera lancée dans une quinzaine de jours. Elle pourra être prête sur la fin du mois. Celles d'Anvers doivent aller prendre leur armement à Flessingue.

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