Davout au Premier Consul
4 ventôse an XII (23 février 1804)

J'ai l'honneur de vous envoyer par un courrier extraordinaire une gazette anglaise extrêment intéressante et d'une date très-récente, du 21 février. Elle est arrivée au général Monnet par un bâtiment neutre parti des dunes il y a deux jours. J'y joins la traduction des morceaux relatifs au roi, qui paraît dangereusement malade et au moins atteint de sa première maladie.
L'amiral Verhuel est toujours en rade à attendre les premiers bons vents. Les coups de vent violents qui ont eu lieu hier et aujourd'hui ne lui auraient pas permis de mettre en mer sans craindre de grandes avaries. Il avait déjà des installations de faites à bord des bâtiments de transport pour 480 chevaux, il continue les installations et il me donne l'assurance qu'il en aura assez pour porter 1.000 chevaux, et cela indépendamment des bâtiments de transport pour les gros bagages et l'artillerie qu'il aura dans la quantité fixée par vos instructions. Il ne lui manque pour compléter la deuxième partie de la flotte que 15 à 20 bateaux canonniers et 6 ou 7 chaloupes canonnières qu'il attend à chaque moment. Il a le complet des pièces et affût pour l'armement de cette deuxième partie de la flottille.
Le conseiller d'Etat, président du conseil de la marine batave, qui est à Flessingue, a protesté que son gouvernement était disposé à faire tous les sacrifices pour tenir ses engagements vis-à-vis de vous. Beaucoup de bâtiments de toute espèce qui sont en route, selon l'assurance qu'il en a donnée, sont retenus par les glaces et le mauvais temps.
L'amiral Verhuel est toujours dans la pénurie de matelots. Il a prié son gouvernement de désarmer deux frégates de la république batave qui sont à Helvoetsluis, et de mettre à sa disposition tous les équipages. Cela lui ferait un secours de 300 matelots qui ne serait pas encore suffisant pour l'armement des équipages de la deuxième partie de la flottille. Son gouvernement ne lui a pas encore répondu sur sa demande du désarmement des deux frégates, ainsi que sur celle qu'il vous a communiquée pour être autorisé à prendre dans les troupes bataves les hommes qui se présenteraient pour être marins, sous la condition qu'ils jouiraient de leur traitement de soldat et de celui de marin. L'amiral a la certitude que cette mesure lui produirait 1.000 très-bons matelots. Dans les déclarations et papiers de Sandoz que j'ai eu l'honneur de vous adresser, mon Général, lors de votre dernier voyage à Boulogne, il y avait une note sur un moyen de correspondance que lui donnait lord Hawkesbury par l'intermédiaire d'une maison d'Amsterdam qui y est désignée. Par réflexion, le ministre a indiqué un autre moyen que vous trouverez également désigné dans les papiers dont je n'ai point de copies. Je crois devoir vous rappeler ces notes pour mettre à même la police de découvrir en Hollande les agences anglaises.
Le général Monnet m'écrit le 3 ventôse : "Un particulier parti d'Angleterre il y a huit jours m'a déclaré qu'on lui avait dit à son départ : Vous allez en Hollande, vous apprendrez le plus grand événement arrivé en France."
Je crois devoir aussi vous adresser la dernière gazette de Leyde. Le rédacteur donne des détails sur la conspiration dont aucun papier public n'a parlé jusqu'ici.
Le général Durutte et les colonels de cavalerie m'ont fait passer des lettres sur le dernier attentat contre votre personne, dans le même esprit que celles que j'ai eu l'honneur de vous adresser le 1er ventôse.
Il y a encore, mon Général, une plus grande amélioration dans le port de Nieuport que dans celui d'Ostende. Il y a quatre mois qu'on était obligé d'attendre les vives eaux pour faire sortir un bâtiment tirant 9 pieds. Aujourd'hui dans les mortes eaux on en fait entrer, d'après le relevé de toutes les sondes, au tirant de 13 à 14 pieds et 19 à 20 pieds dans les vives eaux.
Je suis toujours occupé, mon Général, à chercher à remplir vos voeux sur ces deux ports ; dans une quinzaine de jours j'aurai un travail complet.

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