Davout au Premier Consul
7 germinal an XII (28 mars 1804)

J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'on ajoute à l'armement du fort Risban 3 ou 4 mortiers à la Gomer qui viennent d'Ostende et autant au fort Blanc. C'est tout ce que ces forts pourront recevoir avec l'artillerie qu'ils ont déjà. Vos intentions seront remplies, il y aura 14 ou 15 mortiers dans ce deux forts.
J'ai ordonné la construction de trois batteries sur les dunes depuis Zuydcoote jusqu'au fort Risban, dans les pointes qui se trouvent aussi rapprochées du Bragues (banc qui borne la rade de Dunkerque) que le fort Risban.
Chacune de ces batteries sera faite de 10 à 12 pièces, dont moitié mortiers.
Ces batteries auxquelles vont travailler les soldats seront prêtes avant la fin du mois, et elles pourront être armées si l'on envoie 15 mortiers à la Gomer. Il se trouve à Dunkerque une quantité suffisante de pièces de 24, mais pas de mortiers à la Gomer et à grande portée.
J'ai vu ici, mon Général, 72 corvettes de pêche : les garnisons sont à bord depuis quelques temps : les exercices de mer se font avec beaucoup d'exactitude. Jusqu'ici l'on n'a pu faire aller cette flottille en rade, faute de vents favorables.
Je ne pense pas que vous serez très-content de cet armement : ces bâtiments, qui ne peuvent point aller à la rame, n'ont d'autre avantage que celui de se comporter assez bien à la mer. La pièce de 24 ne peut tirer qu'en chasse, et pour peu qu'il y ait de mer, il est impossible de s'en servir. Ils tirent en outre de 8 à 10 pieds d'eau, et presque toujours lorsque ces bâtiments échouent, ils périssent corps et biens.
L'amiral Verhuel compte toujours sur la troisième partie de la flottille batave, qui se forme tous les jours. Les matelots pour les équipages de la deuxième partie lui sont déjà presque tous arrivés. Il serait d'autant plus avantageux d'avoir cette troisième partie, qui sera sans contredit la meilleure, les chaloupes canonnières et bateaux canonniers qui la composent étant de la nouvelle construction.
J'ai reçu hier une lettre de cet amiral qui me donne des détails sur une nouvelle atrocité des Anglais. Dans la nuit du 2 au 3, ils sont venus attaquer avec 7 chaloupes ou autres embarcations armées une chaloupe hollandaise en station devant Colyns Plaat, île de Nord-Beveland. Le feu le plus vif s'est engagé de part et d'autre, et a duré deux heures. L canonnière a fini par être prise à l'abordage, après avoir eu son capitaine, son lieutenant et la moitié de son équipage tués ou blessés. Les Anglais, irrités de cette résistance, ont tourné leur rage contre le brave capitaine, nommé Ollyve, de la canonnière. Au lieu de lui donner du secours, il l'ont jeté avec autant d'atrocité que de lâcheté à la mer ; quoiqu'il ne fût que blessé. La canonnière a été reprise le matin par le stationnaire de Ziricksée ; le pilote qu'on a trouvé à bord est celui qui a fait connaître les détails que je viens d'avoir l'honneur de vous donner. Les Anglais ont eu 17 hommes tués, un plus grand nombre de blessés, et deux de leurs péniches coulées à fond.
Le général Monnet, le 4, me mande qu'un particulier qui avait passé sur un bâtiment neutre venant d'Angleterre lui avait confirmé l'embargo mis dans les ports d'Angleterre. Il était question d'une grande expédition qu'on rassemble dans la rivière de la Tamise. Le Roi était à toute extrémité et dans un état désespéré.

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