Davout au ministre de la guerre
15 ventôse an XIII (6 mars 1805)

Monsieur le Maréchal, depuis mon arrivée à l'armée, je me suis occupé partout de bien connaître sa situation sous le rapport de la santé du soldat, afin de mettre Votre Excellence à portée de juger de la force réellement disponible. Notre situation est moins mauvaise que je ne le croyais. La 1ère division a 500 hommes aux hôpitaux ; la 2è, 900, et la 3è, 300. Il faut compter dans toutes les divisions sur un pareil nombre d'hommes malingres, convalescents et peu capables de faire la campagne.
Il importe de faire connaître à Votre Excellence l'état comparatif des malades dans chacune des trois divisions du camp de Bruges à différentes époques. Au 28 prairial an XII, la 1ère division avait 409 malades aux hopitaux ; la 2è, 478, et la 3è, 348. Il est à observer que la 3è n'a que 4 régiments, et que les deux autres en ont 5. La proportion des malades dans ces 3 divisions paraîtrait n'avoir pas une différence sensible ; mais il faut remarquer que le 21è régiment d'infanterie de ligne, qui fait partie de la 3è division et qui a séjourné longtemps en Zélande, avait à lui seul à cete époque autant de malades que les 3 autres régiments ensemble. Il a conservé cette même proportion à toutes les autres époques.
Au 1er thermidor an XII, la 1ère division avait 339 hommes aux hôpitaux, la 2è, 499, et la 3è, 325.
Au 1er vendémiaire an XIII, les fièvres avaient fait des progrès considérables ; la 1ère division comptait 1224 malades, la 2ème, 2000, et la 3è, 500. Le 21è régiment de ligne en avait près de 250 sur les 500.
Au 20 brumaire an XIII, les malades avaient diminué dans toutes les divisions de près d'un quart.
Ces différents rapprochements doivent prouver à Votre Excellence 1° que le camp de Dunkerque occupé par la 3è division est beaucoup plus salubre que les camps d'Ostende ; 2° que la 2è division, qui est campée à la gauche du chenal d'Ostende, a véritablement une position aussi insalubre que la Zélande ; 3° que les fièvres contractées dans ces positions marécageuses ne peuvent être radicalement guéries qu'en faisant changer d'air aux personnes qui en ont été attaquées à différentes fois.
Il est de fait par l'examen de tous lesétats de situation des hôpitaux que la 1ère division a eu du 6è au 7è de son effectif aux hôpitaux ; la 2è, du tiers au quart, et la 3è, seulement le 16è. Il faut en excepter toutefois le 21è régiment, qui a excédé cette proportion à raison de son séjour en Zélande, d'où il a ramené plus de 200 malades.
Maintenant, après avoir prouvé à Votre Excellence la salubrité du camp de Dunkerque en comparaison de ceux d'Ostende et particulièrement de celui de la 2è division, je dois vous prier de considérer si le système des apprêts de l'expédition conre l'Angletere, et les autres motifs politiques et militaires qui ont nécessité pendant la campagne dernière l'occupation des camps sous Ostende, subsistent encore. Dans ce cas, nous continuerons de lutter contre le climat, et par des précautions multipliées d'empêcher l'armée de s'y fondre par la maladie, événement qui était toujours arrivé aux armées qui y avaient séjourné. En 1744 et autres, une armée anglaise dans une seule campagne a été presque détruite ; elle a eu en mort par maladie le 6è de son effectif, et je reconnais que c'est au zèle, à l'intelligence et au dévouement de l'ordonnateur en chef Chambon et des officiers de santé de l'armée que nous devons un résultat plus heureux. La perte effective des morts depuis la fin de l'automne s'est élevée à environ 700 hommes. Quelque considérable que soit ce nombre, il l'est peu en comparaison de ce que l'expérience devait faire suppose, et en raison de la grande quantité de malades qu'a eus l'armée ; mais dans la supposition, Monsieur le Maréchal, où aucune raison majeure ne forcerait à tenir le camp d'Ostende, je vous demande l'autorisation de rallier la majeure partie des troupes du camp de Bruges autour du port de Dunkerque, où existent déjà les deux tiers de nos moyens d'embarquement. Si Votre Excellence m'y autorise, je me propose de faire lever successivement le camp à la seconde division. Les mêmes baraques qu'elle occupe, défaites et mises en bottes, seraient transportées à Dunkerque par des bélandres et serviraient à l'établissement de son camp, qui serait à la droite de celui de la 3è division, dans une position reconnue dans les dunes plus élevée et vraisemblablement plus saine encore. Plusieurs fois des mouvements ou transports dans nos camps ont été faits sans perte de matériaux, les baraques ayant été construites en conséquence. Il sera seulement nécessaire de distribuer de la paille pour la couverture des baraques, une grande partie des anciennes étant trop mauvaise pour être transportée ; mais ceci ne sera pas un obje de dépense, puisque dans tous les cas il est nécessaire d'en distribuer pour réparer les dommages occasionnés par les coups de vent de la saison que nous quittons.
Une autre considération qui m'oblige, Monsieur le Maréchal, de vous faire la demande d'appeler ici la 2è division, c'est qu'il me paraît plus que vraisemblable que toute la flottille batave se réunissant dans ce port nécessiterait la réunion de l'armée. Si elle avait lieu inopinément, nos moyens de transport ne seraient pas suffisants pour conduire tous les matériaux de baraquement, et les environs de Dunkerque, à une marche, n'offrent pointn de cantonnements suffisants pour deux divisions, à moins d'un encombrement extraordinaire. J'ai l'honneur de prier Votre Excellence de me faire connaître les intentions de Sa Majesté sur la demande que je vous soumets, dans le but principal est la conservation de ses soldats, car on ne doit point se dissimuler qu'à la mauvaise saison, la maladie se déclarent suivant toute apparence avec plus de violence au camp d'Ostende et particulièrement dans la 2è division, où les soldats qui ont été attaqués ne peuvent se remettre ; le 14è entre autres a dans ce moment le quart de son effectif aux hôpitaux et un quart de malingres.

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