Davout à l'Empereur Napoléon 1er
Ostende, 2 brumaire an XIII (24 octobre 1804)

Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté Impériale d'un combat notable et brillant que vient de soutenir la prame la Ville de Montpellier contre sept bâtiments anglais, dont le plus faible était de sa force. La bravoure a été récompensée par la prise d'un brick anglais de 12 pièces.
Le 1er brumaire, dans l'après-midi, une division de bateaux canonniers bataves a appareillé d'Ostende pour Dunkerque, ainsi que les prame la Ville de Bruxelles, la Ville de Montpellier, qui faisaient l'arrière-garde. Vers les cinq heures du soir, les bateaux canonniers (qui ont tous mouillé à neuf heures du soir dans la rade de Dunkerque) étant déjà à une grande distance, 7 voiles anglaises sont venues, à la hauteur de Nieuport, attaquer la Ville de Montpellier, qui se trouvait dans ce moment isolée. Le combat s'est engagé à portée de mitraille et a été très-vif. Un brick anglais ayant voulu se présenter à l'abordage a reçu un feu de mousqueterie et d'artillerie si soutenu et si bien dirigé, qu'il a été mis hors d'état de manoeuvrer et a fini par échouer. Les autres bâtiments anglais ont pris le large. L'équipage a profité de la nuit pour s'échapper sur les embarcations..
La prame la Ville de Bruxelles est arrivée dans ce moment et a continué sa route sur Dunkerque, où elle a jeté l'ancre dans la nuit. La prame la Ville de Montpellier, ayant reçu beaucoup d'avaries et faisant eau, a été obligée d'échouer : elle a profité de la marée basse pour réparer les plus majeures, et a appareillé à la marée montante et est entrée dans Nieuport.
L'ensigne de vaisseau Deschamps, qui a fait preuve du plus grand sang-froid, a été blessé. Cet officier s'était déjà distingué dans le combat glorieux que la Ville d'Anvers a soutenu contre l'escadre de Sir Sidney Smith. Il a été remplacé après sa blessure par l'enseigne Doude, qui s'est montré digne de son chef. Les détachements de vos troupes qui formaient la garnison étaient du 51è et du 61è, commandés par le lieutenant Auvergne du 51è. Ils ont tous montré avec l'équipage la bravoure la plus distinguée alliée au plus grand sang-froid. Je devrais tous les citer à Votre Majesté. Je me bornerai à ceux qui parmi tous ces braves ont le plus marqué dans cet honorable combat. Le lieutenant Auvegne, du 51è, s'est multiplié et a électrisé, par son exemple, tout son détachement. Il cite lui-même particulièrement les nommés Dumas, sergent, Gandon, caporal, Galendine, Dorel, Aimable, Ferant, Lenin, Moliart, fusiliers au 51è régiment ; Vaussi, sergent, Leuly, Dattiac, Ravot, Besson, Jonas, Chabert, fusiliers au 61è, comme ayant été remarqués, au milieu de leurs braves camarades, par leur intrépidité et leur sang-froid.
Sire, quelque vif qu'ait été ce combat, comme l'atteste la quantité de mitraille qui a digué la prame, brisé les bastingages et causé d'autres nombreuses avaries, il n'a coûté la vie qu'à 2 soldats du 51è. Il y a eu en outre 8 blessés, tant matelots que soldats.
Le général Friant, avec son activité ordinaire, s'est porté sur les lieux aux premières nouvelles de ce combat. Il a trouvé sur le brick anglais le lieutenant d'artillerie légère Rionnec, ainsi que quelques canonniers. Tous étaient pavenus avec les plus grandes peines et par le moyen de leurs chevaux à monter à bord. Les détachements d'infanterie qui y arrivaient par ordre du général Friant ne pouvaient s'en approcher à raison de la marée qui montait. Les Anglais ayant voulu en profiter ainsi que de l'obscurité pour reprendre le brick avec quelques bâtiments légers et des embarcations, ont été forcés de renoncer à leur projet pa le feu de notre artillerie légère et par celui de ce petit nombre de braves canonniers qui, se trouvant à bord, durent faire croire à l'ennemi, par la vivacité de leur feu, que ce bâtiment avait déjà une nombreuse garnison. Dans cette attaque, le feu a été mis deux fois à bord d'un bâtiment anglais par un obus.
Le 2 au matin, le capitaine de vaisseau Meyne s'est transporté sur les lieux et a ordonné toutes les dispositions pour que le brick appareillât aussitôt qu'il serait à flot : ce qui a eu lieu le même soir. Avec un équipage et une garnison suffisante, il a fait voile pour Nieuport en présence de deux bricks anglais qui, au lieu de chercher à engager le combat, ont pris le large. A cinq heures et demie, le brick était dans le port.
Si les Anglais ont été dans cette occasion au-dessous de leurs prétentions maritimes, ils ont de plus donné des preuves de déloyauté et d'atrocité. Toutes leurs mitrailles trouvées à bord du bâtiment et dans les bastingages de la prame, en très-grande quantité, étaient des balles creuses et remplies de verre pilé et autres poisons.
Tout l'équipage de ce brick l'a quitté avec tant de précipitation qu'il a laissé les instructions sur les signaux de jour et de nuit pour les reconnaissances, et le capitaine du bâtiment a abandonné tous ses papiers.

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