Davout à l'Empereur et Roi
18 vendémiaire an XIV (10 octobre 1805)

Sire, je supplie Votre Majesté de vouloir bien me permettre d'entrer dans quelques explications sur un reproche réitéré qu'elle vient de me faire adresser par son ministre de la guerre, sur ce que je n'ai pas amené de Manheim tout le matériel d'artillerie qui était affecté au 3è corps de la grande armée.
36 bouches à feu et des voitures de munitions, prolonges, etc., ce qui formait un total de 270 voitures, ont été amenées dans les journées des 5 et 6 vendémiaire par 440 chevaux du 2è bataillon du train d'artillerie et 600 chevaux de réquisition, avec l'ordre de renvoyer ces derniers au corps d'armée du général Marmont auquel ils appatiennent. A ce même ordre le premier inspecteur et le général Faultrier annonçaient que 540 chevaux de réquisition affectés au 3è corps d'armée étaient en route et devaient arriver au premier moment. Les 600 chevaux de réquisition ont été renvoyés au général Marmont, et je me suis mis en marche avec 148 voitures, dont 21 bouches à feu ; j'ai laissé le reste à Manheim avec des officiers d'artillerie et des canonniers, avec l'ordre de nous rejoindre aussitôt l'arrivée des chevaux de réquisition annoncés.
Le général Sorbier a écrit depuis plusieurs fois pour presser l'expédition de ce matériel. J'ai dû n'attribuer qu'à la rapidité de nos marches et aux mauvais chemins la non-arrivée de ce que la nécessité m'a obligé de laisser derrière moi. S'ils ne sont pas en marche, alors les avis donnés par le premier inspecteur étaient inexacts : je ne pouvais les supposer tels et frapper une réquisition de chevaux, lorsqu'on m'annonçait une quantité suffisante.
Le ministre de la guerre m'a fait aussi de la part de Votre Majesté le reproche d'avoir retenu l'artillerie de la grosse cavalerie qui n'était attachée que momentanément au 3è corps d'armée. Je vous en supplie, Sire, de vouloir me permettre de vous observer que ce reproche est de la dernière inexactitude.
Lorsque j'ai eu l'ordre d'envoyer à Harbourg la division de cavalerie du général Nansouty, elle n'avait avec elle que le personnel de son artillerie ; ce personnel a eu l'ordre de la rejoindre ; les 2 pièces de 8 et l'obusier, par un malentendu arrvé à OEttingen, après le départ de la cavalerie et du 3è corps d'armée, sont venus ici. Le général Sorbier, aussitôt qu'il en a été instruit, a donné les ordres de diriger ces pièces sur Donauwoerth, pour de là rejoindre la division du général Nansouty.
Je prie Votre Majesté de bien vouloir excuser la longueur de ces explications, je ne les ai données que parce que votre ministre m'a réitéré ces reproches non fondés.
L'armée est bivouaquée en avant de Aichach, ainsi que j'en ai rendu compte hier à Votre Majesté, et j'attends pour en partir ses ordres.
Le général Kienmayer s'est retiré sur Munich ; il s'est arrêté hier, dans l'après-midi, entre cette place et Dachau ; il a laissé quelques avant-postes entre lui et notre avant-garde, dont les reconnaissances ont fait quelques prisonniers à cinq et six lieues d'ici.
Les Russes sont annoncés à Braunau pour le 10 octobre, aujourd'hui, et à Munich pour le 16. Ce qu'il y a de certain, c'est que le 6 octobre il n'y en avait pas encore à Braunau.
Le régiment de Giulay a rejoint ici le général Kienmayer ; avant son départ, un régiment, également en route des frontières pour rejoindre l'armée, a rallié ce général hier entre Munich et Dachau ; ce corps d'armée peut être depuis ces réunions de 16.000 à 20.000 hommes. Tous les habitants sensés jugent leur infanterie comme très-découragée ; ce qu'il y a de certain, c'est la désertion ; depuis vingt-quatre heures, il est arrivé ici une trentaine de déserteurs ; tous, bien entendu, annoncent qu'ils seront suivis de beaucoup d'autres.
Leur cavalerie a encore un peu de moral.
Le général Kienmayer a eu dans la maison que j'habite deux terreurs paniques qui ne sont point dignes de la réputation dont il jouit.
Suivant tous les rapports de Munich et entre autres d'un homme que j'ai envoyé de Spire et qui commence à me donner de ses nouvelles, l'armée de Souabe ne doit pas être au delà de 40.000 à 50.000 hommes. Ces rapports dépeignent l'armée de l'archiduc Charles comme très-nombreuse ; on la porte de 80.000 à 100.000 hommes.

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