Davout au Ministre de la Guerre, Major général
Lundenbourg, 22 frimaire an XIV (13 décembre 1805)

Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence la lettre que je viens de recevoir de M. le général Merfeld. Je vous prie, Monsieur le Maréchal, de vouloir bien me faire connaître les intentions de Sa Majesté l'Empereur.
Je dois vous observer que si je ne reçois point l'ordre de m'étendre autour de Presbourg dans un rayon de cinq à six lieues, il me sera fort difficile de cantonner les troupes des trois divisions et de les faire vivre dans le pays.
Les magistrats de Presbourg m'ont témoigné les plus grandes inquiétudes à cet égard.
Les têtes dans ce pays sont dans une grande fermentation qui me paraît occasionnée par l'approche des troupes du prince Charles, qui sont entre Komorn et OEdenbourg.
Beaucoup de personnes des premières familles se sont retirées et continuent à quitter Presbourg. A Vienne, les têtes sont dans la même fermentation.
J'ai chargé un officier du 1er régiment de hussards de s'assurer si les troupes autrichiennes n'ont pas dépassé les frontières de la Hongrie, sur la rive droite du Danube, et de se procurer des renseignements positifs sur le prince Charles.
Les hommes que le général Gudin avait eu ordre de jeter sur la ruve droite n'ont pu y passer, attendu que les Autrichiens ont retenu le pont volant sur cette ville et interceptent la communication sur la rive droite. Je prie Votre Excellence d'assurer Sa Majesté l'Empereur, mon maître, que je mettrai pour éclaircir ce petit brouillard fermeté et prudence.
J'ai l'honneur de répéter à Votre Excellence qu'il est instant que l'on prenne un parti sur cet état de choses qui, particulièrement sous le rapport des subsistances, ne peut être de longue durée. Il paraît constant que les Russes continuent à se retirer : ils se sont divisés en 3 colonnes : de Tirnau, celle de droite passe par Neutra, celle du centre par Vestheim, et celle de gauche par Trentschin ; toutes les trois se dirigent sur la Galicie. Ils continuent à commettre des désordres.
J'ai l'honneur de représenter à Votre Excellence que j'ai lieu de craindre que, lorsque je serai obligé de loger dans les maisons particulières la division Caffarelli, tous les bâtiments militaires et autres maisons servant de casernes étant déjà occupés et insuffisants pour recevoir les divisions Friant, Gudin, l'émigration des principaux habitants de Presbourg deviendra encore plus considérable, cette ville ne pouvant d'ailleurs être regardée que comme un grand village.

P.S. J'ai envoyé des militaires de l'autre côté prendre le pont volant, et j'ai ordonné aux troupes autrichiennes de laisser libre la route de Vienne à Presbourg par la rive droite ; j'ai jeté un bataillon et 100 chevaux sur cette rive.
Toutes ces mauvaises difficultés viennent du général Merfeld, beaucoup plus procureur que militaire.

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