Davout au ministre de la guerre, major-général
Vienne, 2 frimaire an XIV (23 novembre 1805)

Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur de faire part à Votre Excellence des nouvelles que je reçois de Hongrie. L'empereur François était il y a trois jours à Stuhlweissenbourg, au-dessous d'Ofen, d'où sa famille était partie pour Peterwardin.
Les magnats ont eu l'ordre de retourner dans leurs terres ; il n'était point encore question de la levée hongroise.
Du côté de Neustadt, les Hongrois viennent au marché avec confiance ; il est très-bien approvisionné, mais il n'en est pas de même sur les bords de la March, dont la plupart des paysans sont en fuite.
On forme des magasins de vivres à Malatzka.
Le chef d'escadron Méda du 7è régiment des hussards, que j'ai envoyé en parti pour remonter la March jusqu'à la hauteur de Brünn, a eu une petite affaire auprès de Zistersdorf, où il a fait quelques prisonniers. Il paraît d'après lui qu'ils voudraient intercepter la communication de la grande route de Vienne à Brünn. Il m'est extrêmement difficile de faire observer ces vastes plaines, ainsi que la route de Presbourg et de l'Italie sur Neustadt, avec le peu de cavalerie que j'ai à ma disposition. Il serait bien nécessaire que Son Altesse le prince Murat me renvoyât la partie du 1er régiment de chasseurs qu'il a conservée près de lui.
Je préviens le général Bourcier des courses de l'ennemi, afin que pendant sa marche sur Brünn il détache quelques partis sur la March, afin que s'il reste encore quelques jours dans la position qu'il occupe, il puisse leur donner la chasse.
Le chef d'escadrons Méda m'annonce également une correspondance interceptée que je n'ai pas reçue ; selon son rapport, les nouvelles de Hongrie sont incertaines.
Quelques familles hongroises, et entre autres la famille de Esterhazy, ont demandé des passe-ports pour qitter Vienne. Le peuple de cette capitale n'est point bienveillant pour les Français ; dans les cafés ils affectent un ton arrogant vis-à-vis d'eux. On a remarqué que toutes les classes donnaient des marques de bienveillance aux colonnes de prisonniers russes, en leur prodiguant de l'argent, des vivres, etc.
Ils sont ici, comme dans le faubourg Saint-Germain, touijours pleins d'espérance pour le Messie.
On berce le peuple avec de fausses nouvelles : tantôt ce sont les Prussiens, tantôt les victoires des Russes, et enfin l'armée de l'archiduc Charles en Hongrie.

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