Davout au ministre de la guerre, major-général
Oggersheim, 4 vendémiaire an XIV (26 septembre 1805)
Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence qu'en conséquence des ordres de Sa Majesté, qu'elle m'a transmis, j'ai pris possession de Manheim ce matin ; le général Eppler se porte aujourd'hui avec 1.000 hommes d'infanterie et 400 chevaux à Heidelberg, et poussera ses avant-postes au delà de Neckargmund.
La division du général Bisson passe le Rhin à neuf heures du matin avec les moyens d'embarcation que j'ai réunis ; elle sera au delà de Manheim avant midi et prendra position entre Heidelberg et Manheim, à Neckarhausen.
La division du général Friant passera demain et viendra occuper cette position. La division du général Bisson occupera celle de Neckargmund.
La 3è division passera le 6, celle du général Nansouty le 7, si elle arrive comme je l'espère.
Je ne parle pas à Votre Excellence
d'artillerie jusqu'à ce moment-ci, parce que j'ai bien les pièces de canon, mais il me manque les soldats et les chevaux du train, qui m'ont bien été annoncés, mais que je n'ai pas encore reçus.
Les munition d'infanterie et l'attirail du parc paraissent devoir être conduits par des charretiers et des chevaux de réquisition. Je crois devoir vous envoyer, Monsieur le Maréchal, un rapport qui m'a été fait par un sergent d'artillerie chargé seul de la conduite de cette espèce de convoi. Il y a eu désertion de chevaux et d'hommes, beaucoup de chevaux échangés, et le peu qu'il en reste ont besoin pour la plupart d'être ferrés. Les promesses de payement pour les charretiers sont sans exécution, aucun fonds n'a été fait ; enfin il y a le plus grand désordre dans cette partie. J'ai les mêmes réflexions à vous faire pour les voitures de réquisistion affectées à cette armée par l'intendant général ; les hommes ne sont pas payés, et il y a eu les mêmes abus que pour les chevaux de réquisition de l'artillerie.
Toutes les divisions arrivent très-arriérées de solde et des gratifications et indemnités de route accordées par l'Empereur, ainsi que pour les sommes qui doivent être payées pour les capotes et souliers, aussi accordés en gratification. Le payeur n'est pas encore arrivé, malgré tous les ordres que je lui ai donnés. Tout le monde dans ce corps d'armée éprouve le plus grand besoin d'argent.
Nous devions prendre, en exécution de vos ordres, pour quatre jours de biscuit à notre suite ; rien n'est encore arrivé.
Je chercherai à Manheim et Heidelberg à lever cet obstacle en faisant faire le plus de biscuit possible.
Il paraît que les mauvais chemins des Ardennes ont usé presque en entier la chaussure des divisions, et que de sitôt on ne peut compter sur la ressource des confections qui ont été ordonnées à toutes les divisions ; je ferai mon possible pour lever cet obstacle en faisant ressource des pays de ma gauche.
Les troupes arrivent dans le meilleur esprit, et la meilleure preuve, c'est le peu de désertions qu'il y a eu ; elles ne sont pas aussi fatiguées qu'on aurait dû s'y attendre.
J'ai promis de payer les journées de tous les bateliers des deux rives que j'emploie au passage des troupes. Je supplie Votre Excellence d'approuver cette mesure et de me mettre à même de tenir mes promesses. Je dois aussi lui observer qu'il est indispensable qu'elle mette des fonds à ma disposition pour le service des dépenses secrètes et pour tout cas extraordinaire ; j'en userai avec économie et en même temps pour l'utilité des services de Sa Majesté.
Je vous supplie, Monsieur le Maréchal, de vouloir bien prendre en considération les différents objets de ma lettre.
P.S. J'ai 500 à 600 chevaux de réquisiation pour le service de l'intendant ; les voitures sont toutes découvertes, la plupart en mauvais état, et destinées à traîner des biscuits qu'elles n'ont point. Je prie Votre Excellence de me faire connaître si son intention est qu'elles nous suivent. J'ajouterai qu'alors n'étant d'aucune utilité, elles augmenteront les obstacles, puisque ce sera des fourrages et des subsistances à se procurer.
retour à la correspondance de Davout
|