Davout au ministre de la guerre, major-général
Presbourg, 6 nivose an XIV (27 décembre 1805)

Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence un duplicata du rapport direct que j'ai dû faire à Sa Majesté, pour satisfaire à sa lettre du 22 du mois dernier, j'ajoute ici à ce rapport les faits détaillés que j'ai recueillis concernant les corps et les individus qui se sont le plus particulièrement distingués à la mémorable journée d'Austerlitz ; je prie Votre Excellence de vouloir bien les mettre sous les yeux de Sa Majesté et de solliciter sa bienveillance en faveur de ces braves.
(Voyez le rapport précédent fait à Sa Majesté l'Empereur).
Je me plais à rendre à Votre Excellence un témoignage éclatant de la conduite distinguée du 15è régiment d'infanterie légère et de celle de son chef, M. le major Geither ; cet officier supérieur, après avoir eu son cheval tué sous lui, fut blessé et remplacé par le chef de bataillon Dulong, officier non moins recommandable et déjà mutilé à la guerre.
Je dois citer le 33è régiment de ligne et son colonel, M. de Saint-Raymond, qui eut son cheval tué sous lui ; le 48è et son colonel, M. Barbanègre ; le 108è et son colonel, M. Higonnet ; le 111è et son colonel, M. Gay, méritent le même témoignage. M. Higonnet, colonel du 108è, s'était fait déjà remarquer par sa belle conduite à l'affaire de Mariazell. MM. les chefs de bataillon Cartier, du 33è régiment, Lacombe, du 48è, et Guigue, du 111è, furent blessés.
Je citerai également avec éloge MM. Chevalier et Lamaire, chefs de bataillon au 108è régiment ; M. Legrand, chef de bataillon au 33è ; MM. Dulong, du 15è régiment d'infanterie, déjà mutilé d'un bras, et Guinand, aussi chef de bataillon au 111è.
J'ai l'honneur de rappeler à Votre Excellence les services que rendit dans cette journée le général Daultanne, mon chef d'état-major, et ceux de l'adjudant commandant Hervo, sous-chef de l'état-major, qui le seconda parfaitement. L'adjudant commandant Marès servit très-bien, fut blessé et eut un cheval blessé sous lui..
Le général Friant rend le compte le plus avantageux de la conduite de ses aides de camp, MM. Petit, chef de bataillon, Binot et Holtz, capitaines ; de celle de MM. Duvivier et Liegeard, très-anciens capitaines et aides de camp du général Heudelet ; de MM. Galichet et Jaëger, aides de camp du général Lochet ; M. Galichet, à la tête de deux compagnies du 48è régiment, repoussa avec la plus grande valeur une attaque de l'ennemi sur les derrières de Solkonitz.
Le jeune Muiron, officier de la plus heureuse espérance, et aide de camp du général Kister, fut tué. M. Esparon, lieutenant, aide de camp du général Grandeau, malade à Vienne, se rendit auprès du général Friant et se conduisit pafaitement. Le capitaine Bonnaire, adjoint à l'état-major de la divison Friant, officier de mérite, fut blessé.
Entre autres traits de bravoure qui illustrèrent la journée d'Austerlitz, j'aurai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Excellence ceux ci-après :
Dans le 15è régiment d'infanterie légère :
Les sergents-majors Broudes et Deschamps, porte-drapeau, eurent à défendre leurs aigles contre plusieurs sous-officiers et grenadiers russes qui faisaient les plus grands efforts pour s'en emparer ; ces deux braves assommèrent chacun plusieurs ennemis sous le poids de leurs aigles et parvinrent même à les conserver à leur régiment.
Le sergent-major Surdun, jeune homme de mérite, se battit seul contre deux Russes, dont il se défit après avoir reçu un coup de baïonnette. Le caporal Dumont dégagea son capitaine et son lieutenant cernés par les Russes, dont il tua et assomma un troisième.
Le chasseur Chandelier, après avoir reçu un coup de feu à l'épaule, ne voulut point se retirer, et retomba sur les Russes avec plus de fureur que jamais.
Dans le 33è régiment de ligne :
M. Belin, capitaine de voltigeurs, en pénétrant dans le village de Sokolnitz à la tête de sa compagnie, tua 7 Russes et ne céda au nombre qu'après avoir été atteint de plusieurs coups de baïonnette et d'un coup de feu qui lui enleva deux doigts de la main droite.
Le nommé Minguet, fifre, âgé de quinze ans, montra au fort de l'action une intrépidité au-dessus de son âge et fut atteint de deux coups de feu à la jambe.
Dans le 48è régiment de ligne :
Ce régiment contribua puissamment à faire mettre bas les armes à une forte colonne ennemie ; il prit deux drapeaux russes et plusieurs pièces de canon.
Dans le 108è régiment de ligne :
A l'attaque de Telnitz, le chef de bataillon Chevalier, qui avait passé le premier un pont à la tête de son régiment, fut enveloppé avec sa troupe par un très-grand nombre d'ennemis, sous l'effort desquels lui et les siens n'eussent pas manquer de succomber, si le chef de bataille Lamaire, du même régiment, ne fût parvenu à se faire jour et à les débarrasser après l'action la plus sanglante.
Les grenadiers Mauri et Pront enlevèrent 2 drapeaux russes. Le sergent Humbert et le caporal Bouquillon culbutèrent un peloton de 25 Russes.
Le sergent Chevalier, qui au combat de Mariazell enleva un drapeau, fit encore la même tentative le 11 frimaire, mais il fut blessé de plusieurs coups de sabre, au moment où il allait réussire.
Dans le 111è régiment de ligne :
M. Nardin, sous-lieutenant de la 1ère compagnie de grenadiers, entra le premier dans le denier retranchement où tenait encore l'ennemi, près du pont de Sokolnitz, qui fut enlevé ; il fit lui-même trois prisonniers et fut blessé à la seconde charge que l'on dut daire pour conserver ce poste.
Le sergent-major Combet, porte-drapeau au 1er bataillon, au moment où son bataillon venait d'être repoussé, poussa courageusement son aigle à 20 toises en avant du régiment, lui servit de point de ralliement et détermina une charge qui eut un plein succès.
Le sergent-major Sallio, quoique blessé dès le matin, resta constamment à sa compagnie et fut toujours le premier à marcher à l'ennemi.
La division de dragons du général Bourcier eut pendant la journée 35 hommes tués et 41 blessés, et plus de 65 chevaux tués et 35 blessés.
Après avoir fait l'éloge de la conduite des généraux de brigade Sahuc et Laplanche, ainsi que de sa division en général, le général Bourcier cite particulièrement :
Dans le 15è régiment de dragons :
Le sieur Imbert, maréchal des logis de la compagnie d'élite, qui, à la tête d'un peloton de tirailleurs, enfonça l'ennemi et prit 2 officiers et 80 soldats ; ce même sous-officier reçut qelques instants après deux coups de sabre dans une charge.
Dans le 17è régiment de dragons :
MM. Mann, Fournie et Paulus, lieutenant, furent blessés par le feu de l'ennemi dans la première charge ; M. le capitaine Foulhaber eut son cheval tué sous lui.
Dans le 18è régiment de dragons :
MM. Leclerc, chef d'escadron ; Guiard, capitaine, et Dumas, sous-lieutenant, furent blessés.
Le capitaine Pistre eut son cheval tué sous lui ; cet officier s'était déjà distingué à Elchingen et à Ulm ; il est capitaine depuis onze ans, et a fait toute la guerre, tant sur le continent qu'en Egypte.
Dans le 19è régiment de dragons :
Ce régiment mérita les plus grands eloges et souffrit beaucouo ; il eut 21 hommes tués et 12 blessés, il compte de plus 22 chevaux tués et 15 blessés ; il soutint courageusement le feu de l'ennemi au passage d'un défilé ; son colonel, M. Caulaincourt, montra dans cette occasion les talents d'un officier distingué.
Dans le 25è régiment de dragons :
Le général Bourcier fait un éloge particulier de la conduite de M. Niceville, sous-lieutenant, qui servait près de lui pendant la bataille ; il lui confia plusieurs missions périlleuses, dont il s'acquitta avec le plus grand succès. Cet officier sert depuis huit ans, a passé par tous les grades et annonce de grandes dispositions ; le général Bourcier le juge digne de passer à une lieutenance qui est vacante à son corps et au choix du gouvernement.
Dans le 27è régiment de dragons :
Le sieur Tournay, maréchal des logis de la compagnie d'élite détaché aux tirailleurs, fit 20 prisonniers.
Le sieur Mataillet, maréchal des logis, fit mettre bas les armes à 65 ennemis, dont un capitaine et un lieutenant.
Le général Bourcier rend ensuite un compte avantageux des bons sservices de ses aides de camp, MM. Le Moyne, chef d'escadron, et Cirard, capitaine. Je me joins avec plaisir à lui pour prier Votre Excellence de recommander ces officiers à la bienveillance de Sa Majesté.
J'ai beaucoup à me louer du détachement de gendarmerie commandé par le capitaine Saunier, qui servit près de moi pendant la bataille. Le capitaine Saunier fut renversé sous son cheval, qui fut atteint d'un coup de feu.
Le gendarme Frech eut la clavicule droite fracassée par un biscaïen. Le gendarme Huslu eut son cheval blessé.

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