Davout à l'Empereur et Roi
7 vendémiaire an XIV (29 septembre 1805)

J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté les comptes qu'elle me demande par sa lettre du 4.
L'avant-garde se porte aujourd'hui entre Neckarelz et Moeckmühl, qu'elle fait occuper par des avant-postes.
Le général Eppler, qui commande cette avant-garde, composée du 2è régiment de chasseurs à cheval, du 13è régiment d'infanterie légère et de 2 pièces de 4, poussera des reconnaissances sur les routes de Wimpfen, d'Heilbronn et de Mergentheim, pour communiquer avec les troupes du maréchal Soult et du général Marmont.
La division du général Bisson prendra position aujourd'hui à une lieue en avant de Neckarelz, la droite à Neckarimmer, sur la route de Heilbronn.
Demain, la division du général Friant, qui est à Neukirch, ralliera la 1ère ; elle se placera à sa gauche, à cheval, sur la grande route de Mergentheim, et occupera par sa gauche le vallon de l'Elzbach ; le même jour, la 3è division occupera en 2è ligne les villages d'Ildesheim, Neckarelz, Mosbach ; ainsi toute l'armée se trouvera ralliée demain.
Le personnel et le matériel de l'artillerie rejoignent aujourd'hui les différentes divisions auxquelles ils sont attachés.
La division de cavalerie du général Nansouty dont je n'ai pas encore reçu de nouvelles doit, d'après les ordres du prince Murat que je lui ai envoyés par un officier, arriver aujourd'hui à Oggersheim. Elle passera aussitôt le Rhin et se portera dans la plaine d'Heidelberg.
Le corps d'armée attendra dans cette position les ordres que Votre Majesté me fera donner.
J'ai fait connaître ma marche au maréchal Soult et au général Marmont. Je me lierai à eux par des postes et par des partis.
L'armement des soldats est bon, à l'exception de 500 armes qui manquent au 15è d'infanterie légère, qui est arrivé dans le plus mauvais ordre, n'ayant que des armes défectueuses et aucun effet de campement.
Les soldats ont reçu 50 cartouches ; comme il s'en est trouvé beaucoup d'avariées, je les ai fait remplacer ajourd'hui. Ces avaries viennent de ce qu'elles ont été envoyées sur des voitures découvertes. Il est nécessaire que le général Songis nous en envoie pour les remplacer de deux à trois cent mille, le nombre des avariées se portant à cette quantité.
Nos approvisionnements de bouche sont très-satisfaisants, malgré que l'intendant général n'ait fait fournir que 22.000 rations de biscuit. Manheim et Heidelberg nous en fournissent 140.000 ; j'ai l'espérance que Worms nous en confectionnera dans très-peu de jours cent mille ; ainsi mes approvisionnements dans ce genre seront de sept à huit jours.
Le pays que nous occupons nous fournira par la voie de réquisition pour quatre jours de pain pour l'armée, qui en aura jusqu'à 12.
Tous les pays exécutent ces réquisitions sans difficulté, excepté la régence de Darmstadt, qui fournira néanmoins, quoique de mauvaise grâce.
Le service de la viande n'éprouve aucun retard.
Le service des fourrages est assuré par les mêmes voies.
Les troupes reçoivent leur distribution régulièrement comme en France ; aussi se-conduisent-elles dans la meilleure discipline.
Ainsi que j'ai eu l'honneur d'en rendre compte à Votre Majesté, il y a eu très-peu de désertions dans les corps, peu de malades ; quelques permissionnaires se trouvent encore en arrière à cause des dernières marches forcées ; ils se réuniront à Franckental avec les hommes éclopés que les différents régiments y ont envoyés, et qui serviront d'escorte aux convois de biscuit et autres.
On n'a point jeté de ponts de bateaux à Manheim, et aucun ponton n'y a été envoyé ; mais par la réunion de tous les bacs qui se trouvaient depuis Worms jusqu'à Philisbourg le passage a été très-prompt.
Nous n'avons sur la rive gauche que le division de grosse cavalerie.
Depuis deux jours il nous est arrivé de 600.000 à 700.000 francs. La solde est alignée jusqu'au 15 vendémiaire. Les officiers ont reçu leur indemnité de route, et les corps de très-forts à-compte sur les journées dues pour le confectionnement des souliers et des capotes ; ils vont se servir de cet argent pour retirer ce qui est confectionné, ce qu'ils n'ont pu faire jusqu'à présent, faute de fonds.
Tous les états qu'a demandés le ministre de la guerre vont lui être envoyés incessamment.
J'ai été obligé de faire jeter un pont sur le Nackar à Obreckheim, où l'on est obligé de passer pour aller à Neckarelz ; ce pont a été jeté avec beaucoup de zèle et d'intelligence par l'adjudant commandant Mares, secondé par les habitants du pays ; mais comme nous ne les trouverons pas toujours en aussi bonne disposition, je prie Votre Majesté de donner des ordres afin q'il soit attaché une compagnie de pontonniers à ce corps d'armée, où il n'en existe pas un seul.
Nous avons deux compagnies de sapeurs qui sont entièrement dépourvues d'outils. Il serait extrêmement essentiel qu'il leur fût envoyé un caisson chargé d'un assortiment d'outils.
La route que Votre Majesté a ordonnée à ce corps d'armée me rendra le service des sapeurs et des pontonniers très-fréquent.
Il y a quarante-huit heures que les Autrichiens avaient un parti de 400 à 500 chevaux à Pfortzheim ; le même argent m'a confirmé que l'Empereur était à Ulm, et qu'il se faisait quelques mouvements de troupes en avant. Ce qui le prouverait, c'est que plusieurs baillis du côté de Mosbach ont refusé jusqu'à l'arrivée de nos troupes d'obtempérer aux réquisitions qui ont été portées par nos estafettes, sous le prétexte qu'ils avaient reçu des ordres de préparer des vivres pour les Autrichiens.
L'ennemi n'a point paru jusqu'à dix ou douze lieues sur toute l'étendue de notre front.
J'ai fait partir, dans la nuit du 4 au 5, un parti de 400 chevaux, qui se divisera sur quatre routes de poste de Wurtzbourg à Ulm, où j'ai appris que les Autrichiens avaient de fréquents courriers ; ils doivent rentrer le 9. J'espère qu'ils auront pris quelques dépêches que j'aurai l'honneur d'envoyer tout de suite à Votre Majesté.

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