Davout au ministre de la guerre, major-général
Manheim, 7 vendémiaire an XIV (29 septembre 1805)

Monsieur le Maréchal, j'ai reçu les diverses dépêches que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser, notamment celle par laquelle vous me faites connaître la jonction, qui doit s'opérer avec le corps que j'ai l'honneur de commander, des troupes de Son Altesse Sérénissime le landgrave de Hesse-Darmstadt.
Je vais écrire à ce prince pour lui donner connaissance des ordres que m'a donnés Votre Excellence, relativement à son corps d'armée, pour pouvoir mettre de l'ensemble dans les opérations.
Je le prie de me faire part des mouvements de ses troupes et du chemin qu'il se propose de leur faire tenir pour qu'elles se rendent à la destination que vous leur avez fixée ; je l'engage en outre à pourvoir à la subsistance de son corps d'armée, afin de lui assurer des distributions régulières ainsi qu'elles ont lieu pour les troupes de Sa Majesté ; enfin je l'invite à lui procurer un approvisionnement de quelques jours de biscuit.
J'envoie près de ce prince le général Kister, que je charge de prendre connaissance de la force, de la composition de son corps d'armée, tant a personnel qu'au matériel en tout genre.
J'ai l'honneur de faire observer à Votre Excellence que ma dépêche pour le landgrave, ainsi que le général Kister, ne partiront qu'après le retour de l'aide de camp que vous avez dépêché près de ce prince.
Le services des ambulances étant dans un entier dénûment à ce corps d'armée, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence des mesures que je viens de prendre pour l'assurer autant qu'il est en moi.
J'ai chargé le commandant ordonnateur en chef d'organiser en brigade des voitures de réquisition, et pour empêcher la désertion des charretiers, je l'ai autorisé à leur faire payer des a-compte sur le traitement qui leur est accordé par l'Empereur, et les faire jouir d'une ration de viande, indépendamment des deux rations auxquelles ils ont droit. J'ai en outre autorisé l'ordonnateur à faire des réquisitions de linge, de médicaments et généralement de tout ce qui peut être nécessaire pour les premiers secours à donner à 600 blessés.
Dès demain les équipages d'ambulance des deux premières divisions seront organisés et partiront pour les rejoindre ; ceux de la 3è partiront également après-demain.
Des ordres ont été donnés pour faire mettre les officiers de santé des corps, les chirurgiens-majors exceptés, à la disposition des officiers de santé principaux pour le service des ambulanciers, conformément à l'ordre général de l'armée.
L'avant-garde s'est portée aujourd'hui entre Neckarelz et Moeckmühl, qu'elle fait occuper par des avant-postes ; cette aant-garde, composée du 2è régiment de chasseurs à cheval, du 13è régiment d'infanterie légère et de deux pièces de 4, le tout aux ordres du général Eppler, doit pousser des reconnaissances sur les routes de Wimpfen, d'Heilbronn et de Mergentheim, pour communiquer avec les troupes du maréchal Soult et du général Marmont.
La division du général Bisson a pris position aujourd'hui à une lieue en avant de Neckarelz, la droite à Neckarimmer, sur la route de Heilbronn.
Demain 8, l'avant-garde prendra position sur les hauteurs en arrière de Moeckmühl, ayant des postes sur la rive gauche de la Jaxt, et poussant des reconnaissances sur Sindringen ; elle continuera à faire observer les routes de Mergentheim et de Neustadt.
La division aux ordres du général Bisson passera le Neckar à Obreckheim et prendra position en avant de Mosbach, la droite au Nechar à la hauteur de Neckarimmer, et la gauche vers la route de Mergentheim.
La division aux ordres du général Friant prendra position en avant de Mosbach, à cheval sur la grande route de Mergentheim, en appuyant sa droite à la gauche du général Bisson et occupant par sa gauche la vallée de l'Elzbach.
La brigade de cavalerie légère commandée par le général Vialannes passera le Neckar et prendra position près le village de Neckarelz.
La division aux ordres du général Gudin prendra position près d'Obreckheim, sur la rive gauche du Neckar.
La division de grosse cavalerie du général Nansouty est aujourd'hui à Oggersheim, demain elle passera le Rhin à Manheim, et viendra s'établir à Seckenheim et villages environnants.
Nos approvisionnements de bouche sont très-satisfaisants ; le pays que nous occupons fournit par voie de réquisitions quatre jours de pain ; Manheim et Heidelberg nous fournissent 140.000 rations de biscuit. J'ai l'espérance d'en tirer 100.000 de Worms sous très-peu de jours, et par ce moyen mes approvisionnements en ce genre pourront être de sept à huit jours, quoique l'intendant général ne m'ait fait fournir que 22.000 rations.
Le service de la viande marche avec beaucoup de facilité ; celui des fourrages est également assuré.
Je n'ai qu'à me louer de la bonne discipline des troupes.
Au moyen des fonds qui ont été versés dans la caisseur du payeur principal du corps d'armée, la solde arriérée a été alignée et la solde courante assurée dans la caisse des corps jusqu'au 15 du courant.
De forts a-compte ayant été payés aux corps pour l'achat des souliers et des capotes, je leur ai ordonné d'en faire prendre livraison dans le plus court délai et de les faire transporter sur-le-champ à l'armée.
On me rend compte à l'instant que 38.000 rations de biscuit viennent d'arriver ; je les ai fait transporter à Mosbach avec les autres ; ces 50.000 rations y seront rendues après-demain.
J'ai donné des ordres pour qu'on transporte sans délai dans cet endroit tout le biscuit qui se confectionne à Worms, Manheim et Heidelberg.
J'ai été obligé de laisser à Manheim 6 pièces de 12 et leurs caissons, 6 pièces de 8, 3 obusiers avec des caissons ; le rapport ci-joint du général Sorbier fera connaître à Votre Excellence notre situation pour ce qui tient à l'artillerie.
J'attends les états des divisions que vous avez demandés, j'aurai l'honneur de vous les adresser incessamment.
N'ayant point reçu de Votre Excellence de réponse à la lettre que j'ai eu l'honneur de lui écrire d'Oggersheim, le 4 de ce mois, sur l'établissement des dépôts de Franckental, je la prie de nouveau de vouloir bien la prendre en considération..

P.S. La division de cavalerie étant passé et ayant achevé tout ce qui pouvait me retenir ici, j'ai l'honneur de prévenir Votre Excellence que ce soir je pars pour Heidelberg et demain, de grand matin, pour Mosbach, où l'armée s'est réunie aujourd'hui.
Je reçois au moment où je me rendais à Heidelberg les différentes dépêches du 7 vendémiaire, de Votre Excellence ; j'ai l'honneur de vous en accuser réception.
Le compte que je vous rends par cette lettre donnera l'assurance à Votre Excellence que les intentions de l'Empereur sont déjà remplies.
Depuis deux jours, j'ai des officiers d'état-major en reconnaissance sur la route de Moeckmühl et d'Ingelfingen ; je vous en adresserai le résultat.
Pour ce qui regarde les troupes du landgrave, je crois devoir vous envoyer une lettre que je reçois à l'instant de l'officier que vous lui avez dépêché.

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