Davout, au général Bonaparte, Premier Consul
Milan, 13 Thermidor, an VIII

Mon général, j'ai l'honneur de vous rendre compte que votre arrêté qui me donne le commandement de la cavalerie de l'armée d'Italie n'a eu son exécution qu'en partie. L'intention primitive du général Masséna a été de l'exécuter, mais le général Laboissière, qui avait déjà ce commandement, a représenté qu'il était très-ancien général de division : mon intention n'état pas de faire tort à qui que ce soit, je saute tout détail. Le général Masséna m'a donné le commandement de toute la cavalerie lorqu'elle serait en ligne, et hors cette circonstance, il commandera et correspondra directement avec le général Laboissière, qui a sous ses ordres la grosse cavalerie qui fait la réserve de l'armée. Par ce tempérament, votre arrêté paraissant être reconnu, j'a cru devoir m'y conformer. J'avais rejeté toute proposition qui me paraissait s'éloigner de l'exécution de vos ordres, auxquels j'attachais plus d'importance qu'au commandement lui-même.
On m'a représenté ici comme ne connaissant que l'infanterie ; j'ai dédaigné des explications, j'ai seulement répondu que si je n'avais pas les talents nécessaires pour le commandement de la cavalerie, la jalousie en aurait d'autant plus de prise sur moi.
J'ai la plus forte envie, mon Général, de mériter toute votre estime et votre confiance, et de vous donner des preuves de mon entier dévouement ; j'ajouterai à cela le désir que je vous ai souvent témoigné de faire la guerre sous vos yeux, si elle a lieu.
Jablonowski est employé sous mes ordres ; indépendamment de l'intérêt que je lui porte comme ancien camarade, il s'y mêle encore d'autres motifs. Un je ne sais quoi m'attache à tout ce qui est polonais ; qui sait ce qui est écrit dans le grand rouleau ? Vous avez dit, il y a quelques années : Donnez à la République de bonnes lois organiques, et l'Europe sera libre. Quelquefois je vous entends, mon Général ; ces lois organiques, vous nous les donnez, et le reste se fera, ou arrivera. L'Europe vous devra sa civilisation, et la destruction d'une foule de préjugés qui ne seront pas remplacés, comme cela a manqué de nous arriver, par d'autres peut-être encore plus antisociaux.
- Mais j'en dis trop pour le temps que vous avez à me donner.
L. Davout

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