année 1850
7 avril 1850

Ouverture de la Session du conseil général de l'agriculture, du commerce et des manufactures

Le Président assiste, au Luxembourg, à l'ouverture de la session du conseil général de l'agriculture, du commerce et des manufactures.
M. le Président de la République prononce l'allocution suivante :

Messieurs,

Jamais le concours de toutes les intelligences n'a été plus nécessaire que dans les circonstances actuelles. Il y a quatre ans, époque de votre dernière réunion, vous jouissiez d'une sécurité complète, qui vous donnait le temps d'étudier à loisir les améliorations destinées à faciliter le jeu régulier des institutions. Aujourd'hui, la tâche est plus difficile : un bouleversement imprévu a fait trembler le sol sous vos pas ; tout a été remis en question. Il faut, d'un côté, raffermir les choses ébranlées ; de l'autre, adopter avec résolution les mesures propres à venir en aide aux intérêts en souffrance. Le meilleur moyen de réduire à l'impuissance ce qui est dangereux et faux, c'est d'accepter ce qui est vraiment bon et utile.
La position embarrassée de l'agriculture appelle avant tout les conseils de votre expérience. Déjà le Gouvernement lui a porté les premiers secours par le dégrèvement de 27 millions sur la propriété foncière , annoncé à l'Assemblée législative, et par la présentation du projet de loi sur la réforme hypothécaire. De plus, pour faciliter les emprunts, il a renoncé à une partie du droit et d'enregistrement des créances hypothécaires, et bientôt il vous consultera sur un projet de crédit foncier qui offrira, je l'espère, des avantages réels à la propriété, et n'exposera pas le pays aux dangers du papier-monnaie.
On attend avec impatience votre avis au sujet du dégrèvement successif de l'impôt du sucre. Sans nuire à l'industrie importante du sucre indigène ni à la production coloniale, nous voudrions, dans l'intérêt des consommateurs, diminuer le prix d'une denrée devenue de première nécessité.
Bien des industries languissent ; elles ne se relèveront, comme l'agriculture et le commerce, que lorsque le crédit public lui-même sera rétabli. Le crédit, ne l'oublions pas, c'est le côté moral des intérêts matériels : c'est l'esprit qui anime le corps. Il décuple, par la confiance, la valeur de tous les produits, tandis que la défiance les réduit à néant. La France, par exemple, ne possède pas aujourd'hui trop de blé, mais le manque de foi dans l'avenir paralyse les transactions, maintient le bas prix des denrées premières, et cause à l'agriculture une perte immense hors de toute proportion avec certains remèdes indiqués.
Ainsi, au lieu de se lancer dans de vaines abstractions, les hommes sensés doivent unir leurs efforts aux nôtres afin de relever le crédit, en donnant au Gouvernement la force indispensable au maintien de l'ordre et du respect de la loi.
Tout en prenant les mesures générales qui doivent concourir à la prospérité du pays, le Gouvernement s'est occupé du sort des classes laborieuses. Les caisses d'épargne, les caisses de retraite, les caisses de secours mutuels, la salubrité des logements d'ouvriers, tels sont les objets sur lesquels, en attendant la décision de l'Assemblée, le Gouvernement appellera votre attention.
Une réunion comme la vôtre, composée d'hommes spéciaux aussi éclairés, aussi compétents, sera fertile, j'aime à le croire, en heureux résultats. Exempts de cet esprit de parti qui paralyse aujourd'hui les meilleures intentions et prolonge le malaise, vous n'avez qu'un mobile, l'intérêt du pays. Examinez donc, avec le soin consciencieux dont vous êtes capables, les questions les plus pratiques, celles d'une application immédiate. De mon côté, ce qui sera possible, je le ferai avec l'appui de l'Assemblée ; mais, je ne saurais trop le répéter, hâtons-nous, le temps presse : que la marche des mauvaises passions ne devance pas la nôtre.

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