année 1850
6 septembre 1850

Voyage et discours de Cherbourg

Le 5 septembre, M. le Président de la République arrive à Cherbourg. Le lendemain 6, au banquet de la ville, le Prince prononce l'allocution suivante :

Messieurs,

Plus je parcours la France et plus je m'aperçois qu'on attend beaucoup du Gouvernement. Je ne traverse pas un département, une ville, un hameau, sans que les maires, les conseillers-généraux et même les Représentants ne me demandent, ici, des voies de communication, telles que canaux, chemins de fer ; là, l'achèvement de travaux entrepris ; partout enfin, des mesures qui puissent remédier aux souffrances de l'agriculteur, donner de la vie à l'industrie et au commerce.
Rien de plus naturel que la manifestation de ces voeux : elle ne frappe pas, croyez-le bien, une oreille inattentive ; mais, à mon tour, je dois vous dire : Ces résultats tant désirés ne s'obtiendront que si vous me donnez le moyen de les accomplir, et ce moyen est tout entier dans votre concours à fortifier le Pouvoir et à écarter les dangers de l'avenir !
Pourquoi l'Empereur, malgré la guerre, a-t-il couvert la France de ces travaux impérissables qu'on retrouve à chaque pas, et nulle part plus remarquables qu'ici ? C'est qu'indépendamment de son génie, il vint à une époque où la nation, faiguée de révolutions, lui donna le pouvoir nécessaire pour abattre l'anarchie, combattre les factions et faire triompher, à l'extérieur par la gloire, à l'intérieur par une impulsion vigoureuse, les intérêts généraux du pays.
S'il est une ville en France qui doive être napoléonienne et conservatrice, c'est Cherbourg : napoléonienne par reconnaissance ; conservatrice par la saine application de ses véritables intérêts.
Qu'est-ce, en effet, qu'un port créé, comme le vôtre, par de si gigantesques efforts, sinon l'éclatant témoignage de cette unité française poursuivie à travers tant de siècles et de révolutions, unité qui fait de nous une grande nation ? Mais une grande nation, ne l'oublions pas, ne se maintient à la hauteur de ses destinées que lorsque les institutions elles-mêmes sont d'accord avec les exigences de la situation politique et de ses intérêts matériels. Les habitants de la Normandie savent apprécier de semblables intérêts et m'en ont donné la preuve, et c'est avec orgueil que je porte aujourd'hui un toast à la ville de Cherbourg.
Je porte ce toast :
"En présence de cette flotte qui a porté si noblement en Orient le pavillon français, et qui est prête à le porter avec gloire partout où l'honneur national l'exigerait.
En présence de ces étrangers aujourd'hui nos hôtes. Ils peuvent se convaincre que si nous voulons la paix ce n'est pas par faiblesse ... mais par cette communauté d'intérêts et par ces sentiments d'estime mutuelle, qui lient entre elles les deux nations les plus civilisées.
Au port de Cherbourg !"


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