année 1851
24 janvier 1851

Message du Président de la République à l'Assemblée nationale

A la suite de la séance de l'Assemblée législative du 19 janvier, dans laquelle avait été adopté un ordre du jour impliquant un blâme de la politique du Président de la République, le ministère donna sa démission, qui fut acceptée. Le Président de la République ayant formé un autre cabinet, fit précéder l'insertion des noms des nouveaux ministres au Moniteur, du Message suivant, adressé à l'Assemblée nationale législative :

Monsieur le Président,

L'opinion publique, confiante dans la sagesse de l'Assemblée et du Gouvernement, ne s'est pas émue des derniers incidents. Néanmoins la France commence à souffrir d'un désaccord qu'elle déplore. Mon devoir est de faire ce qui dépendra de moi pour en prévenir les résultats fâcheux.
L'union des deux Pouvoirs est indispensable au repos du pays ; mais, comme la Constitution les a rendus indépendants, la seule condition de cette union est une confiance réciproque.
Pénétré de ce sentiment, je respecterai toujours les droits de l'Assemblée, en maintenant intactes les prérogatives du Pouvoir que je tiens du peuple.
Pour ne point prolonger une dissidence pénible, j'ai accepté, après le vote récent de l'Assemblée, la démission d'un ministère, qui avait donné au pays et à la cause de l'ordre des gages éclatants de son dévouement. Voulant toutefois reformer un cabinet avec des chances de durée, je ne pouvais prendre ses éléments dans une majorité née de circonstances exceptionnelles, et je me suis vu à regret dans l'impossibilité de trouver une combinaison parmi les membres de la minorité, malgré son importance.
Dans cette conjoncture, et après de vaines tentatives, je me suis résolu à former un ministère de transition, composé d'hommes spéciaux, n'appartenant à aucune fraction de l'Assemblée, et décidés à se livrer aux affaires sans préoccupation de parti. Les hommes honorables, qui acceptent cette tâche patriotique, auront des droits à la reconnaissance du pays.
L'administration continuera donc comme par le passé. Les préventions se dissiperont au souvenir des déclarations solennelles du Message du 12 novembre. La majorité réelle se reconstituera ; l'harmonie sera rétablie sans que les deux Pouvoirs aient rien sacrifié de la dignité qui fait leur force.
La France veut, avant tout, le repos, et elle attend de ceux qu'elle a investis de sa confiance une conciliation sans faiblesse, une fermeté calme, l'impassibilité dans le droit.
Agréez, monsieur le President, l'assurance de mes sentiments de haute estime.

Louis-Napoléon Bonaparte

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