année 1853
14 février 1853

Ouverture de la session législative de 1853

Messieurs les Sénateurs, Messieurs les Députés,

Il y a un an, je vous réunissais dans cette enceinte pour inaugurer la Constitution, promulguée en vertu des pouvoirs que le peuple m'avait conférés ; depuis cette époque le calme n'a pas été troublé ; la loi, en reprenant son empire, a permis de rendre à leurs foyers la plupart des hommes frappés par une rigueur nécessaire. La richesse nationale s'est élevée à un tel point, que la partie de la fortune mobilière, dont on peut chaque jour apprécier la valeur, s'est accrue à elle seule de deux milliards environ.
L'activité du travail s'est développée dans toutes les industries ; les mêmes progrès se réalisent en Afrique, où notre armée vient de se distinguer par des succès héroïques. La forme du Gouvernement s'est modifiée légalement et sans secousse, par le libre suffrage du peuple. De grands travaux ont été entrepris sans la création d'aucun impôt et sans emprunt. La paix a été maintenue sans faiblesse. Toutes les Puissances ont reconnu le nouveau Gouvernement. La France a aujourd'hui des institutions qui peuvent se défendre d'elles-mêmes, et dont la stabilité ne dépend pas de la vie d'un homme.
Ces résultats n'ont pas coûté de grands efforts, parce qu'ils étaient dans l'esprit et dans les intérêts de tous. A ceux qui méconnaîtraient leur importance, je répondrais qu'il y a quatorze mois à peine, le pays était livré aux hasards de l'anarchie. A ceux qui regretteraient qu'une part plus large n'ait pas été faite à la liberté, je répondrais : La liberté n'a jamais aidé à fonder d'édifice politique durable : elle le couronne quand le temps l'a consolidé.
N'oublions pas d'ailleurs que, si l'immense majorité du pays a confiance dans le présent et foi dans l'avenir, il reste toujours des individus incorrigibles qui, oublieux de leur propre expérience, de leurs terreurs passées, de leurs désappointements, s'obstinent à ne tenir aucun compte de la volonté nationale, nient impudemment la réalité des faits, et, au milieu d'une mer qui s'apaise chaque jour davantage, appellent des tempêtes qui les engloutiraient les premiers.
Ces menées occultes des divers partis ne servent, à chaque occasion, qu'à constater leur impuissance, et le Gouvernement, au lieu de s'en inquiéter, songe, avant tout, à bien administrer la France et à rassurer l'Europe. Dans ce double but, il a la ferme volonté de diminuer les dépenses et les armements, de consacrer à des applications utiles toutes les ressources du pays, d'entretenir loyalement les rapports internationaux, afin de prouver aux plus incrédules que, lorsque la France exprime l'intention formelle de demeurer en paix, il faut la croire, car elle est asez forte pour ne craindre et, par conséquent, pour ne tromper personne.
Vous verrez, messieurs, par le budget qui vous sera présenté, que notre position financière n'a jamais été meilleure depuis vingt années, et que les revenus publics ont augmenté au delà de toutes les prévisions.
Néanmoins, l'effectif de l'armée, déjà réduit de trente mille hommes dans le cours de l'année dernière, va l'être immédiatement encore de vingt mille.
La plupart des lois qu'on vous présentera ne sortiront pas du cercle des exigences accoutumées, et c'est là l'indice le plus favorable de notre situation. Les peuples sont heureux, quand les gouvernements n'ont pas besoin de recourir à des mesures extraordinaires.
Remercions donc la Providence de la protection visible qu'elle a accordée à nos efforts ; persévérons dans cette voie de fermeté et de modération qui rassure sans irriter, qui conduit au bien sans violence et prévient ainsi toute réaction. Comptons toujours sur Dieu et sur nous-mêmes, comme sur l'appui mutuel que nous nous devons, et soyons fiers de voir, en si peu de temps, ce grand pays pacifié, prospère au dedans, honoré au dehors.

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