7 juin ?
Lettre de M. Baroche père à l'Empereur

Il cherche à justifier son fils aîné de s'être inscrit sur un registre ouvert dans la maison où est décédée Mme la duchesse d'Orléans.

Sire,

Votre Majesté a dû être informée d'un fait bien insignifiant par lui-même, mais auquel un journal anglais a cherché à donner quelque importance ; je veux parler du nom de mon fils aîné inscrit par lui sur un registre ouvert dans la maison où est décédée Mme la duchesse d'Orléans.
Je serais bien malheureux si cet acte d'irréflexion laissait dans la pensée de Votre Majesté quelque souvenir fâcheux contre mon fils. Je la prie de me permettre de lui faire connaître comment les choses se sont passées.
Mon fils, profitant de quelques jours de vacance qu'il avait obtenus du président de sa section au Conseil d'Etat, est allé en Angleterre pour assister aux courses d'Epsom, et il a profité de son séjour à Londres pour visiter les docks et les établissements publics.
Le mercredi 21 mai, il allait à Richemond et à Kew avec deux compagnons de voyage, jeunes gens tout à fait étrangers à la politique. Ceux-ci, en passant devant la maison où était morte, et où était encore la duchesse d'Orléans, s'inscrivirent à la porte, et mon fils fit comme eux, sans réfléchir que son nom et sa position lui imposaient des devoirs auxquels ses compagnons pouvaient être moins rigoureusement tenus.
Il n'a pas tardé à reconnaître son tort, et, avant même que je le lui eusse fait remarquer, il regrettait vivement d'avoir cédé à cet espèce d'entraînement, que je ne chercherai pas même à excuser en disant qu'il eût agi bien autrement du vivant de la duchesse d'Orléans.
Ma pensée, en écrivant à Votre Majesté, n'est pas de défendre un acte d'étourderie que j'ai personnellement blâmé, mais de protester en faveur des intentions de mon fils et de la loyauté de son dévouement.
Sans lien aucun avec le passé, n'ayant jamais occupé de fonctions publiques que sous le gouvernement de Votre Majesté, dont j'ai l'honneur d'être ajourd'hui l'un des plus anciens serviteurs, puisque dès le 20 décembre 1848 j'ai été appelé par elle au poste de procureur général à Paris, je dois tout aux bontés de l'Empereur, et mes fils eux-mêmes, qui, bien jeunes encore, ont déjà été souvent l'objet de ses faveurs et de sa bienveillance, partagent les sentiments de reconnaissance et d'affection dont je suis pénétré.
J'ose espérer, d'ailleurs que Votre Majesté me connaît trop bien pour que j'aie besoin de protester auprès d'elle pour les miens et pour moi d'un dévouement dont nous serons toujours heureux de lui donner de nouveaux témoignages.
Veuillez agréer, Sire, l'hommage du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, de Votre Majesté, le très-humble et très-obéissant serviteur.

J. Baroche

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