Paris, lundi 12 mai 1851

Charles de Flahaut à sa femme

Je regrette de n'être point à Londres aujourd'hui pour aller au concert de Sa Majesté, mais j'ai accepté à dîner chez la princesse Mathilde (Il y dîna le mardi 13 mai, en compagnie de Morny, d'Excelmans et d'autres personnes (cf. Viel-Castel, Mémoires))
Quant aux réceptions et aux salons, j'ai expliqué au Prince Albert lui-même les raisons qui me privaient de l'honneur d'y assister. Je ne désire pas y aller comme un Anglais et je ne me soucie pas d'y aller avec le Président de la République.
Quel triste lot de mes compatriotes vous avez rencontré à l'Exposition !
Je pense qu'Auguste ne consentirait à déranger ni vous ni moi ; c'est pourquoi, s'il vient, un lit dans la bibliothèque serait la meilleure combinaison, mais je doute encore qu'il vienne.
J'ai eu un long entretien avec le P[rince] : je l'ai trouvé plein de bon sens, instruit et ferme dans ses propos. Il y a partout dans le pays un grand mouvement d'opinion favorable à sa prolongation (La révision de la Constitution entraînant la prolongation des pouvoirs présidentiels devint dans l'été 1851 une question brûlante). A Lyon, un grand nombre de maisons sont ouvertes pour permettre au peuple de signer des pétitions dans ce sens. Thiers se déclare son ennemi ; il se proposait, il y a quelques temps, de constituer un Directoire dont il aurait été le chef, avec quatre généraux comme membres. On dit toutefois que depuis un voyage qu'il a entrepris dernièrement dans le Nord et depuis qu'il a reçu certaines lettres de Seine-Inférieure (dont il est député) il a modifié son langage.
J'ai été ce matin à Saint-Philippe-du-Roule au mariage du jeune Le Hon avec Mlle Mosselmann, qui est fort jolie. Barrot s'y trouvait, mais je ne lui ai pas parlé.
Je trouve fâcheux que les jeunes Princes (Nemours et Joinville) en Angleterre se fassent tant de tort eux-mêmes par la façon inconsidérée et le langage contradictoire avec lesquels ils s'expriment sur la fusion, suivant l'opinion des personnes à qui ils écrivent.
... Mme de Liéven et Lady Palmerston sont réconciliées.

 

* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.135 à 137)

toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone