Paris, mercredi 17 décembre 1851

Charles de Flahaut à sa femme

 

"Je ne puis vous envoyer le pamphlet que vous désirez, car c'était la seule copie que j'eusse et il n'est pas en vente. Gardez cela pour vous, mais cette commission dont je vous ai dit que je faisais partie, et qui est très sélecte, a pour objet de régler ce dont traite le pamphlet. On m'a sollicité d'accepter ce dont je vous ai parlé (Probablement le commandement de la garde nationale qu'on avait - cela ressort d'une lettre ultérieure (23 janvier) offert à Flahaut vers cette époque), mais je ne puis quitter ma pauvre Louise en permanence, comme il le faudrait si j'acceptais.
Auguste déploie une activité, une habileté et une fermeté au-dessus de tout éloge. Nonobstant le poids des affaires, il refond son administration, diminue le nombre des employés, augmente les traitements de ceux qui sont maintenus, bref il fait preuve d'un esprit supérieur. Ses ordres pour débarrasser Paris et la France des scélérats qui ont été la cause de toutes les révolutions et des désastres sont fermes. Pour la première fois, au lieu d'être appelés "des hommes égarés", ils sont flétris de leur désignation méritée de "bandits" et de "coquins". Je vous adresse les deux deniers ordres qui ont été donnés.
L'aspect du pays est complètement changé. Les gens honnêtes lèvent les yeux et tous les démagogues sont dans la terreur. Les rentes montent et les affaires s'améliorent dans tout le pays...
Les journaux ne mentionnent pas la dixième partie des atrocité commises par les insurgés : écoles (On avait fait irruption dans un couvent, en Nivernais) de jeunes filles forcées, femmes tuées après d'horribles tortures, - bref des cannibales corrompus par la civilisation. Ce pays a besoin d'être régénéré par un gouvernement énergique, car depuis Napoléon il a été démoralisé par la faiblesse.
Je prétends que Thiers tourne de plus en plus la tête aux pauvres gens de C. (Claremont) et leur fait prendre parti contre le Président, alors que leur intérêt serait de s'allier au sentiment populaire et de se réjouir que le pays ait été sauvé. Ils ne devraient point oublier qu'ils possèdent ici 8 millions de livres sterling et qu'il ne manque pas de gens pour conseiller leur séquestration (Il aurait été intéressant de connaître par Flahaut qui étaient "les gens" qui suggéraient alors la confiscation des biens des d'Orléans. On s'accorde à supposer que la proposition émanait de Persigny)."

 

* Morny, l'homme du second empire (Dufresne / Perrin / p.158)
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.183 à 185)
* Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.415)
* Morny et son temps (Parturier / Hachette / p.91-92)

toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone