Paris, mardi 18 novembre 1851

Charles de Flahaut à sa femme

 

Vous connaissez maintenant la lamentable déconfiture de l'Assemblée (La proposition des Questeurs avait été rejetée, la veille, par l'Assemblée). Changarnier, Thiers et Cie n'y étaient pas préparés ; bien au contraire, ils escomptaient un triomphe et avaient projeté la mise en accusation du Président et la réunion parmanente de l'Assemblée. Auguste, lorsqu'il apprit la chose, courut à l'Elysée pour en faire part et demander au ministre de la Guerre de se préparer à la résistance. Cela se fût terminé par la dissolution de l'Assemblée ; tout Paris eût applaudi et les rentes seraient montées de 10 p. 100. Et pourtant, c'est aussi bien ainsi ; il nous reste à voir maintenant le profit qu'on peut tirer des événements. J'ai vu Molé hier : je crois qu'il déplore vivement sa dernière campagne avec Thiers. Tout le monde injurie celui-ci ; vous pouvez vous imaginer la triste mine qu'il faisait hier.
Le Président est particulièrement aimable pour moi. J'ai été chez lui hier soir ; il y avait beaucoup de monde et l'on s'est beaucoup informé de vous. La princesse Mathilde s'y trouvait elle m'a prié de fixer un jour pour dîner chez elle, soit jeudi.
... Dites à Lord Lansdowne qu'il y a un beau tapis à vendre : il avait été commandé pour la Grande Galerie du Palis Royal, à l'état de neuf, mais pas cher - 66 pieds sur 28, mesure française.
J'ai dîné hier chez les Lutheroth avec les Bathyany. Elle est aussi belle et lui aussi distingué que toujours. Quelque peu favorable à Pulsky. Il a vu et connu Mme de Beck, que Kossuth lui a envoyée comme agent sous ce nom, croit-il (sans en être sûr). Il trouve qu'elle a été durement traitée.

 

* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.148-149)

toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone