Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
22 novembre 1815

Les généraux Belliard, Colbert, . et 2 autres obscurs ont été arrêtés hier à Paris. On en ignore le motif. Gérard est parti hier pour Bruxelles. On dit que les trapistes de la . sainte quittent la Suisse pour venir s'établir en France. Les généraux devraient prendre leur établissement, et mener là une vie de moine en expiation de leur gloire passée. Ils chanteraient matines assez bien.
Mais je veux quitter les tristes réflexions, pour te conter une histoire arrivée à Angers ? en présence de Moncey ? qui par parenthèses  t'offre ses hommages.
A Angers, deux enfants de 5 à 6 ans se sont mis à courir toute la ville en criant comme des aigles : Vive l'Empereur ! on les a arrêtés ainsi que leur mère, et menés devant le juge pour cris séditieux ; ce juge, qui l'était aussi sous Napoléon, a fait un long discours à la mère qui se trouvait être une de ces grosses réjouies de paysannes qui ne mettent pas...
Ce magistrat lui a fait un long discours pour dire que les parents doivent répondre de la conduite de leurs enfants, que si elle élevait mieux les siens, ils n'auraient point fait entendre de cris coupables. « Hé pardi, Monsieur le juge, a repris gracieusement cette femme, ces petiots ont crié : Vive l'Empereur ! parce qu'ils ne sont pas des girouettes comme vous ! »
Le juge est resté accablé du coup sans pouvoir dire un mot de plus, et comme un homme qui avait avalé de travers. Ce qui est plaisant, c'est que l'avocat de cette femme l'a fait acquittée, en prouvant, par l'imprudence même de ces paroles, qu'elle n'entendait matière à rien.
Je compte comme cela, t'écrire deux fois la semaine tout ce que je saurai, mais j'exige positivement que tu ne liras aucune de mes nouvelles à aucun Français . Aux Anglais, je ne demande pas mieux mais les Français écrivaient ici à leur familles que je te tiens bien au courant et de toute correspondance suivie et au tort réel.
L'affaire du cousin le dessinateur va fort mal, cependant, je ne crois pas à la peine capitale.
Mme de Fezansac est charmante pour toi et excellente pour moi. Ecris-lui un petit billet bien aimable, je t'en prie, je lui remettrai.
Ah ! mon Dieu, on m'apporte le journal, et ce pauvre Lavalette a été condamné à mort hier à 11 h du soir.
Mon enfant, qu'Henriette va souffrir !
A demain, je finirai ma lettre.

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