Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
5 décembre 1816

Je t'envoie deux chansons mon bon et cher enfant, quand même est du petit, car l'autre est du grand. Ma femme des papillons noirs... voilà tout ce que je peux te dire, ce Casimir promet romances et mille choses et chaque jour de courrier il remet au suivant, voilà les élégants.
Ce pauvre Gabriel est très amoureux de Mme Peregaux qui est fort sage mais s'amuserait volontiers à le voir mourir d'amour : il allait souvent chez elle avec Casimir qui se moquait fort du mari et de l'amant. Ce mari s'avise d'être jaloux de Casimir et de Gabriel qui me contait cela avec indignation. J'ai manqué lui répondre qu'Alphonse avait raison car les deux feraient un amant dangereux. La gaieté de Casimir détruirait les principes de la dame et les soupirs de Gabriel attaqueraient son coeur, mais le tête à tête avec l'un ni l'autre ne peut être inquiétant. Ce Casimir a rencontré M. de Mery qui lui a dit : Hé bien, qu'est-ce que tu as été faire en Angleterre ? - Hé pardi ! j'y ai été pour toi , et Sir Robert Wilson m'a dit que quand tu aurais besoin de sa voiture , il était à tes ordres. Du moins voilà ce qu'on raconte, tu me ... que tu es charmant et que Mme de Lieven est désolée de ne pouvoir pas l'inviter tous les jours chez elle mais que M. d'Osmont a fait à elle ou au Prince Estherazy une scène affreuse exigeant absolument qu'elle ne t'invitât point ; quoique je n'aille nulle part, je ferai l'extraordinaire d'aller dîner chez Mme Demidoff pour l'y voir.
Nonore arrive. Dans ce moment, son mari est au château d'If pour dix ans. Elle est d'un changement effrayant.
Adieu, cher ami, je te quitte pour écrire un mot à lady Holland. Je te prie pour la robe que tu m'as ordonné d'envoyer au n°2 de lui rembourser du tulle et du fil brillant qu'elle m'a envoyé. Ce tulle et ce fil font ma consolation. Je brode toute la journée et cela me fait passer le temps. Le 16 de ce mois est ma fête d'Adèle, je fermerai ma porte pour pleurer tes chansons, ton bouquet et le bonheur dont je jouissais.
Ton cheval est de nouveau sur la litière.
Adieu mon bien chéri, mon enfant, mon ami, la seule joie de ma vie. Auguste qui s'ennuie de me voir écrire me demande à qui ? - A ton ami Charles - Hé bien dis-lui donc qu'il revienne bientôt. C'est l'enfant le plus aimable que j'aie jamais vu.
Stanislas qui te dit mille choses t'invite fort à rester où tu es. Et moi je t'en supplie aussi, à moins que tu n'ailles en Allemagne.
Je t'aime plus que ma vie bien bien cher ami.
Alexandre Girardin a été dépêché à Cambray, on ignore pourquoi. Il s'en cache beaucoup et tout le monde le sait.

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