Madame de Souza
à Margaret Mercer Elphinstone, Countess of Flahaut, sa belle-fille

19 octobre 1817

Voici une lettre de la maîtresse de votre blanchisseuse pour la remettre à la raison. (ligne située en tête de lettre et écrite à l'envers)
Voilà votre départ pour Howick qui m'inquiète bien pour le trésor que je vous ai envoyé ma chère fille , où Palmella l'enverra-t-il ? Et si elle tombe à Meiklour sans que vous y soyez, qui la recevra ? Pauvre créature qui ne sait pas un mot de la langue, enfin Dieu ait pitié d'elle en attendant que vous la protégiez.
Je ne puis pas venir à bout de trouver l'adresse de votre cordonnier et vos pieds nus me désolent. J'avais fait demander son adresse chez Mme la duchesse d'Orléans , la personne à laquelle je m'étais adressée à tant à faire dans ce moment qu'elle m'a oubliée. Enfin de mon petit coin je remue ciel et terre et cet homme célèbre est introuvable. Je continuerai cependant mes recherches, car je suis bien fâchée quand je manque à rien de qui vous est agréable .
Vous voilà donc à Howick. Est-ce que vous n'aurez pas vu S. H. Hamilton et sa femme ? L'un et l'autre vous sont cependant bien dévoués et puis les ayant beaucoup vu ici, je ne doute pas qu'en disant simplement la vérité ils ne détruisent toutes les bêtes de calomnie que l'on s'était plu à débiter sur nous pour empêcher votre mariage. Je sais qu'en partant d'ici, ils désiraient beaucoup vour lord K. pour lui parler de mon mari et de moi ainsi qu'il convenait. Je les avais prié de vous consulter auparavant, car de si loin on ne peut juger ce qui est bon ou nuisible. Voilà aussi nos ex... du Camoëns pour Edimbourg qui vont arriver à Meiklour sans que vous y soyez. Dieu veuille qu'on ne les égare pas.
J'ai beaucoup vu ici M. Clerke avocat qui porte à mon fils son fusil anglais, c'est-à-dire qu'après l'avoir fait passer à vos douanes, il le mettra dans je ne sais quelle voiture et l'adressera à Howick, car lui va directement à Edimbourg.
Mande-moi si Palmella vous a envoyé une lettre de moi qui renfermait des manches, que je vous priais de remettre à Mme Frederik. Je serais bien fâchée qu'elles fussent perdues.
M. de Souza a fait présenter au Roi de France un ex. du Camoëns et pendant 3 jours Sa Majesté l'a montré à tous les courtisans en admirant beaucoup le sentiment qui avait animé mon mari dans cette entreprise.

Charles, ne me réponds pas ; s'il croit qu'un ex. eut été agréable à lord Landerdole , c'est-à-dire s'il a le goût des belles éditions comme il n'y aura au monde que 200 exemplaires, et pas un seul de vendu, nous ne voulons en donner qu'à ceux qui y mettront du prix, et à qui nous seront réellement sûrs de faire plaisir. Veuille aussi penser si ayant beaucoup connu lord Castlereagh à Paris en 1792 il ne serait pas bon que je lui envoyasse un exemplaire, c'est-à-dire si cela ne serait pas une manière aimable de renouveler sa connaissance, et si par la suite ce renouvellement de connaissance fait si naturellement n'ajouterait pas à sa bienveillance tant pour Charles que pour Louis. Je soumets cela à votre sagesse, et je vous prie de me répondre, car ce Charles est si heureux qu'il ne peut se distraire même jusqu'à écrire plus de quelques lignes.
Lors de votre mariage, dans ma colère contre M. d'Osmont, j'avais écrit une lettre terrible à lord Castlereagh, Charles l'a trouvée trop forte et l'a jetée au feu, il a bien fait, mais je n'en ai pas écrit une seconde, et à cette gracieuse occasion du Camoëns, (si vous jugez que je ferais bien de lui envoyer) j'écrirai peut-être un billet un peu plus doux.
Adieu, ma chère fille, croyez que je désire bien vivement vous voir, et passer quelques mois avec vous, aimez-moi un peu, car mon coeur vous chérit et vous bénit comme si vous étiez ma vraie fille. Mille hommages de mon mari, il dit qu'il ne désire plus qu'une seule chose, mais qu'il vous la laisse à deviner.
Actuellement, je parle à Charles.
Mon bon et cher enfant, ta lettre du 1er octobre m'a fait un sensible plaisir et papa a presque pleuré en lisant les lignes où tu parles de cette petite faveur qu'il a reçu de son pays. Ce n'est qu'une justice qu'on lui a rendue, mais dans le meilleur des mondes , la justice est encore plus rare que la faveur. Je ne puis te dire avec quel plaisir j'attends la visite de Palemella avec sa famille, de Louis avec la sienne, et comme je serais heureuse que Charles et sa femme fussent des nôtres, mais tout le monde dit que votre séjour en Ecosse encore cette année est un trait de sagesse qui vous fera aimer de tous les Ecossais, et doit faire impression à lord K. alors je te regretterai sans désirer que tu reviennes et lorsque Louis sera bien établi à Londres, c'est nous qui irons te chercher , en attendant, papa compte lui proposer d'occuper ton appartement pendant qu'il sera ici. Ce sera pour Sally (dit-elle) un fier crève-coeur que ce ne soit pas toi et ta femme. Lady W. Russell avance dans sa grossesse. Ils sont à Cambray .

C'est mercredi 15 que Nonore doit être jugée à Lyon. Dieu veuille qu'il en soit de cette affaire comme de l'épingle noire.
Vous occupez-vous autant en Angleterre de l'affaire de Rhodès qu'on le fait ici , on ne parle d'autre chose.
Mon bon, mon cher enfant, je t'embrasse et t'aime de toutes les forces de mon âme.
Ceci est à M. Frecki : Mon cher comte Frecki, que je suis aise de vous savoir chez mes enfants, donnez-moi de leurs nouvelles et des vôtres, il y a si longtemps que vous ne m'avez écrit ! et vos lettres ont été ma meilleure consolation dans le temps où Charles était jeune et maigre. Parlez-de nous à lord et lady Grey, croyez que nous nous verrons ici avec une affection toute maternelle , je ne puis rien dire de mieux. God bless you et malgré votre répugnance à écrire, soyez bon comme vous l'avez toujours été pour moi, et parlez-moi en grands détails, de vous et de mes enfants . Que je voudrais vous tenir ici.
Mme S.Antonio est ici elle est venue, je n'y étais pas.
Lady ... m'a prié de t'écrire qu'elle trouve ton portrait très ressemblant.

retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut