Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
1er janvier 1819

Je me suis levée avant-hier pour la première fois, et hier, j'ai joué au piquet, ainsi tu vois que je suis bien ; malheureusement, ce petit sorcier de Moreau m'a fait prendre médecine aujourd'hui et je l'ai avalée sans penser au jour du courrier, ce qui fait que je ne pourrai pas t'en dire bien long.
On assure que M. d'Osmont va être rappelé et que le duc d'Albert lui succède. Je ne sais pas si tu seras content de ce dernier choix. Le Chabrol de Lyon qui était rayonnant d'ultracisme va rester dans l'obscurité, il perd sa place au ministère de l'Intérieur, il n'y a qu'un cri contre M. Molé. Il croyait que jamais le Roi ne renverrait M. de Richelieu, ministre si considéré des étrangers et s'était jeté à corps perdu dans cette fraction du ministère ; mais craignant l'ascendant de M. de Case sur le Roi, il avait tout bonnement proposé à M. Lainé de le faire prendre, mettre dans une voiture et le faire partir à l'instant pour Petersbourg . M. Lainé s'est indigné de l'arbitraire et a dit à tous ses amis la proposition, de manière que les libéraux ne parlent que de la probité de M. de Richelieu qui malheureusement ne connaît pas la France ; de l'honnêteté de M. Lainé qui était aveuglé par la peur de la République, et de la noirceur et du criminel despotisme de M. Molé qui est le bouc d'expiation, c'est une révolte générale mais les ultras le prônent ; malgré cela son ambition est déconcertée et on le dit de très mauvaise humeur et fort malheureux.
Baring m'a fait dire par sa femme qu'il viendrait dès qu'il aurait un moment, je l'attends toujours. Et t'écrirai aussitôt.
La pauvre reine d'Espagne est morte faute d'une saignée, ce Roi se remariera, il n'est pas chanceux.
Ma chère fille, j'espère pouvoir sortir après demain pour toutes vos commissions. Avez-vous reçu nos étrennes ?
Dogen (?) a encore fait banqueroute, on en annonce quelques autres.
Mes chers enfants, je vous aime de toutes les forces de mon âme, et je vous quitte parce que cette médecine me fait mal au coeur.
Le duc de Devonshire a donné des étrennes superbes à la Reine de Suède et à la duchesse de Courlande.

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