Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
et à sa femme Marguerite Mercer
(CHAN 565 AP 9)
22 avril 1819

Ma très chère fille, c'est à vous que je m'adresse aujourd'hui. Je sais, dès l'année passée, que vous n'avez point en Ecosse de fleurs à donner le 21 avril, mais quel bouquet je vous devrais si vous étiez heureusement accouchée d'un petit garçon. Ce jour qui me paraît prédestiné pour le bonheur des mères. Ce enfant ne peut qu'être bien reçu puisque vous désirez une fille et que moi je préfère un garçon ; ce n'est pas que je n'aimerais bien "la petite" si elle arrive à bon port et ayant autant de talents, d'esprit et d'âme que Madame sa mère ; mais je suis accoutumée à préférer un fils depuis une trentaine d'années, et vous me pardonnerez d'aimer mieux ce petit garçon dont vous ne voulez ni l'un ni l'autre.
Je vous prierai de m'envoyer tout de suite un peu de ses cheveux que j'en voie la couleur, je vous préviens qu'étant petit, Charles avait les cheveux blonds argent, vous voyez qu'on ne peut compter sur rien avec les enfants.
En honneur du 21, j'ai donné hier à dîner au général et à lady d'Alrympte, à l'amiral Flemming, à M. Russell, au général Excelmanns, , au colonel Fabvier, à Gabriel Delessert, et nous avons tous bu à la santé de Charles. J'ai bien peur que lady d'Alrympte ne se soit assez ennuyée car elle était assez près de M. de Souza, qui parle difficilement à cause de ses dents et qui en outre avait la fièvre ce qui l'empêche même d'écrire à Charles pour le 21. Il avait l'air si souffrant que j'en avais le coeur brisé et que tout le monde s'apercevait des efforts qu'il faisait, efforts qui réussissaient peu, car entre nous lady D. baillait beaucoup et cela me désolait, mais ne le ... ; cependant je crois que ce n'était qu'un gros rhume ajouté à toutes ses autres douleurs de dents. Du reste il n'est pas possible de lui faire voir Dupuytrain ; cependant, comme je vois qu'il commence à s'inquiéter, je saisirai le premier moment pour obtenir cette complaisance, ne fut-ce que pour ma tranquillité, il doit finir par me l'accorder.
Mais revenons à vous, ma chère fille, mon Dieu que je voudrais être à vous soigner dans ce terrible moment, mais vous êtes forte et courageuse, et lady Hamilton m'a dit que si sa fille était en Afrique, elle la ferait revenir à Edimburgh pour être soignée par le Dr Hamilton qui était le complément de toutes perfections et de tout savoir. L'amiral Flemming m'a dit qu'il se nommait Charles, ce m'est une raison de plus pour aimer ce nom.

Sally va mieux, mais je crains bien que quoiqu'elle ait été soignée, elle n'ait une autre attaque d'ici à peu de temps ; elle est cramoisie, ceci est pour Charles qui en serait sûrement aussi fâché que moi. Et je vous assure que je la regretterai beaucoup, plus que nombre de mes parents, car à présent en France, la division des familles est telle que les parents ne sont même plus des prochains.
Adieu mes chers enfants, j'attends de vos nouvelles demain avec bien de l'impatience. Je vous aime de toute mon âme.
Je ne t'ai pas écrit pas Sir ... parce que je savais qu'il n'allait pas dans ton endroit
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