Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
8 avril 1819

Voilà trois courriers que je n'ai pas de vos nouvelles. Mes chers enfants, je me désole, j'en ai mal au côté. Ah ! Pitié pour ces cruelles terreurs que cause l'absence, l'éloignement, écrivez-moi ou faites-moi écrire un seul mot chaque courrier.
L'amiral Flemming est arrivé avant-hier au soir, je ne l'ai pas encore vu.
Le général d'Alryinple (?) a mis hier sa carte chez moi, j'y passerai ce matin et je ferai tout ce qui sera en moi pour acquitter les bons procédés qu'il a eu pour toi en Ecosse.
Funchall vient d'être nommé gouverneur du Royaume de Portugal, il en est furieux ; j'ignore ce qu'il prétend, ce qu'il espère, mais il a dit hier à mon mari qu'il refuserait ; alors il se perd entièrement, n'en écrit point à Palmella car j'imagine que le temps lui portera conseil.
Mais de quoi vous parlai-je quand j'ai le coeur serré jusqu'aux larmes. Tois courriers ! Et dans ce mois où ma fille doit me donner un petit enfant. Ah ! Si c'est votre faute, vous avez bien tort de me laisser dans cette inquiétude.
Mes enfants, mes chers enfants, vous êtes ma santé, mon bonheur, ma vie, je n'existe ici que comme une espèce de somnanbule ; mon coeur, ma pensée, sont en Ecosse ; et pas de nouvelles. Et dans le moment où j'aurais besoin d'en avoir tous les jours. Je croirais bien que dans ce moment d'inquiétude sur l'état de la France on arrête mes lettres au Foreign Office. Mais les vôtres qui ne parlent guère de politique, pourquoi ne pas les envoyer ? Enfin, ce qui est sûr, c'est que je n'en ai pas et peut-être aussi lorsque vous recevrez cette lettre, en aurai-je eu trois ou quatre à la fois comme il m'est arrivé quand Palmella était absent de Londres ; en attendant, je ne puis écouter même cette bonne raison que je me répète à tout moment et que mon coeur n'entend pas.
Adieu, je vous aime de toutes les forces de mon âme.
Tous mes malades vont bien à l'exception de papa qui ajoute à ses dents un lombago. Il m'a chargé de te dire que s'il ne t'écrivait pas, c'est qu'il savait que je t'écrivais chaque courrier.
Ton petit mot que tu m'as écrit à part sur ses dents me fait trembler, mais il a la faiblesse de vouloir les conserver et souffrir et être dans une mélancolie que tu ne peux concevoir ; ne me réponds pas sur ce dernier artcile.
Ma chère fille, je vous bénis, je vous embrasse de toute mon âme. Puisse le ciel bénir mon petit enfant et son aimable mère.

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