Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
21 décembre 1820

D'abord voici qu'on me dit que le courrier d'aujourd'hui ne peut se charger que des deux paquets de ma fille, et qu'il faut remettre mes étrennes et mon gros livre au prochain courrier. D'ailleurs M. de Souza me fait observer qu'étant annoncé pour se vendre aussi chez Bossange à Londres, tu l'auras peut-être acheté. S'il est ainsi, mande-le moi et je ne l'enverrai point. Sinon, dis un mot et il partira, ce n'est point qu'il n'y parle mal du pauvre chou, ce qui me refroidit un peu, mais aujourd'hui, c'est du récitatif obligé. Cependant, je le supporte encore moins que ne faisait M. de Souza de Rossini, ici ce livre que M. Gallois trouve si bon, se vend 11 francs, et je suppose qu'à Londres il est fort cher tandis qu'à moi cela entrera dans mes comptes de librairie, ainsi parle sans te gêner, je n'ai plus que mon travail à donner, et je serai charmée de te donner des étrennes.
J'ai été très touchée de la fin de ta dernière lettre, ce que tu me dis sur la sécurité que tu désires me paraît juste , mais il l'est aussi de me dire combien de temps il te faut. J'ai besoin de le savoir pour des raisons qui me sont personnelles, enfin pour savoir si j'aurai le temps d'attendre ce retour que tu me fais entrevoir. Je me suis imposée des privations telles que personne ne les eut cru possibles, et depuis 15 mois j'ai dépensé pour tout au monde y compris le blanchissage 659 f sept sols. Je n'ai fait que ce que j'ai dû car je ne voudrais pas coûter un sol s'il était possible à cet excellent papa que la révolution de Portugal vient encore bouleverser, il me paraît content de ma sévérité pour moi-même, mais je sens à peine les privations et le malheur est comme l'orage qui purifie l'air. Cependant, si à travers toutes ces privations et tant de regrets et de larmes j'avais rencontré des regards un peu plus doux, j'aurais moins souffert. Que de fois le sourire de ma pauvre et chère petite fille m'a touché jusqu'à me briser le coeur, mais je ne peux plus écrire parce que je pleure. Je reprendrai tantôt.

retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut