Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
17 avril 1823

Mon cher enfant, me revoilà avec un de mes gros rhumes et les quintes de toux me font un mal au côté horrible. Ah ! quel temps que celui où la vieillesse commence avec tous ses agréments ! Il est vrai que nous avons eu un vent d'est qui a causé ici bien des maladies, voir même des morts de tout âge. Nous sommes toujours dans l'ignorance complète du sort de Louis. Sa personne et son nom semblent avoir sombré sans voile, et, entre nous, ses compatriotes qui sont ici réfugiés et cachés sous leurs coquilles, et leur intolérance commencent à s'en scandaliser. Papa l'ignore, mais un d'eux qui avait pris un ton dévôt pour en gémir devant moi, m'a inspiré de lui répondre aussi d'une voix douce et flattée : "Ah ! mon Dieu, que je voudrais le voir aussi tranquille, aussi en sûreté que vous l'êtes ici". Il est bien vrai que l'esprit a cela d'admirable, c'est que chacun voudrait que son voisin fût martyr. Enfin, nous ne savons rien de Louis, et tous les soirs quand papa me quitte pour courir au ... lire les gazettes, je tremble toujours de ce qu'il peut y trouver.
On distribue les prix du premier semestre du lycée, et l'on m'assure qu'Auguste aura le 6ème accessit, ce qui est beaucoup pour la première année qu'il y va. En parlant d'Auguste, vous saurez que nous vous avons ... à deux robes par an pour Mme Muron, une aux étrennes, vous avez donné celle-là, mais il en faut aussi une pour sa fête qui arrive au mois de mai. Celle-là nous la voulons rose, parce que Mme Muron est une jeune femme prête d'accoucher, enfin, il nous faut le plus tôt que vous pouvez l'envoyer, une très jolie robe, et tous les ans nous nous remémorons cette demande en septembre et avril. Ces petites attentions font que l'on a plus de soin des enfants, et Auguste avec son caractère, ses étourderies, demande beaucoup plus de soins qu'un autre enfant. Il nous faut aussi un grand ... parce qu'en France on ne sait pas faire de robes à moins de 7 aunes et demie à 8 aunes de France. Vous enverrez votre paquet à M. Numann (?) qui l'enverra à M. de Vincent qui me le fera passer ! Je suis très contente de cette pension, et sous tous les rapports on est à merveille, quoiqu'un peu sévèrement quant aux sorties. N'oubliez pas, ne négligez pas la robe de Mme Muron. Je ne vous condamne qu'à ce soin, mon bon et cher Charles. Si vous y joigniez deux gilets pour M. Muron ve serait une magnificence dont je vous saurais bien bon gré. Le général Drouot et Gabriel dînent chez moi le 21 avril, c'est mon jour le plus heureux de l'année, nous boirons à votre santé et à celle de ce petit garçon que nous vous souhaitons.

Ma très chère fille, avez-vous pris le nom de Lady Keith, alors mandez-moi comme il faut vous adresser vos lettres, car je ne veux manquer à rien, mais grâce à Charles qui écrit par économie et à moi à qui il faut des explications claires et positives, je ne suis au courant de rien sur ce qui vous concerne tous. Je vous embrasse tous les cinq de toute mon âme. Avez-vous eu le vent d'est dont nous venons de tant souffrir ? Charles a-t-il retrouvé ses maux de dents à Meiklour. Ici tout le monde parle comme le docteur Portal. Charles vous expliquera cela. Je vous embrasse encore. A qui ressemble Georgina ? A Clémentine ?
M. d'Almeida m'a dit hier au soir que le parti d'Amarantes gagnait de forces tous les jours. Avec cela, tant qu'il n'aura pas ou Porto ou Lisbonne, ce ne sera rien. J'ai des quintes de toux comme si j'avais la coqueluche. Adieu encore. God bless you you tous.

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