M. de Vaudreuil au comte d'Artois Nous venons de recevoir une lettre d'Edouard Dillon ; il nous mande que le roi de Sardaigne vous attend avec une impatience vraiment paternelle, et que tous ses enfants et Mme la princesse de Piémont vous attendent avec un amour fraternel. Je reconnais bien à ces nobles et tendres mouvements les vertus de cette Cour. Vous y serez aimé, consolé ; et le plus cher de tous mes voeux sera rempli. Je n'ose vous supplier, Monseigneur, de mettre mes hommages et mon profond respect aux pieds de Madame la princesse de Piémont qui, à mon passage à Turin, daigna me recevoir avec cette bonté qui la caractérise ; mais, présenté par vous, cet hommage sera reçu, et ce me sera une faveur honorable. Vous avez de bien adorables soeurs, et sûrement vous en sentez bien le prix. C'est un genre de sentiment bien doux que celui de la fraternité, quand on s'y livre avec abandon. C'est une ressource assurée pour toutes les circonstances de la vie, et les épanchements du coeur entre frères et soeurs sont d'un charme inexprimable ; les intérêts sont presque toujours les mêmes, la gloire des uns fait la gloire des autres ; même sang les anime, et une tendre union entre frères et soeurs les honore tous. Voyez toutes les marques de tendresse que vous avez reçues de Mme Elisabeth, depuis vos malheurs ; on voit que la vertu approuve toutes les impulsions de son âme, quand elle s'abandonne à sa tendresse pour vous ; et que cette âme aimante est enchantée de trouver à la fois son devoir réuni au charme d'aimer son frère. Telle sera pour vous, Mme la princesse de Piémont ; ses vertus et sa sensibilité vous en sont garants. Rappelez-vous, Monseigneur, ce que ma tendre amitié pour vous m'a inspiré cent fois de vous dire ; que je vous répétais sans cesse, que vous ne saviez pas assez jouir du bonheur d'avoir une soeur comme Mme Elisabeth. Le malheur a été pour vous une leçon plus sûre que les conseils d'un ami, et j'ai été témoin combien vous jouissiez depuis votre départ de Versailles des procédés touchants et de la tendresse de cette soeur adorable. Je voudrais qu'elle vous rejoignît, et qu'elle fût dehors de cette horrible bagarre. Méditez sur mon éloge de l'amitié fraternelle, et votre coeur en saisira les précieux avantages, et en goûtera les divines ressources. |