M. de Vaudreuil au comte d'Artois
Naples, 17 janvier 1790 - n° 19
Je n'ai qu'un moment pour vous écrire par le baron de Nyvenheim, qui retourne en France et passe par Turin. Il vous remettra ma lettre, Monseigneur, et vous pouvez être sûr qu'il n'y a pas un plus loyal et plus brave homme que lui. Si l'occasion se préssnte, il sera ardent à prouver son dévouement pour la bonne cause, et il a des moyens qu'il vous communiquera.
Je n'ai rien à vous mander d'ic, sinon que j'ai à présent la certitude que vous avez très bien fait de n'y pas venir ; les avances qu'on vous a faites étaient du cru de l'ambassadeur, et voilà tout ; mais on aurait été très-embarrassé que vous y vinssiez. Je sais cela de très-bonne part ; et on trouve le parti que vous avez pris le seul qui convienne aux circonstances. Je ne me suis pas trompé dans mes conjectures, et mon dévouement pour vous m'a fait tout calculer et voir juste.
J'ai vu la reine ; j'ai été très content de ses propos, et sa ressemblance avec notre Reine m'a fait une si vive impression que mes larmes ont coulé, malgré tous mes efforts pour les retenir. On est indigné ici de la démarche de Monsieur, et je suis bien impatient d'apprendre quelle suite elle aura eue.
Je serai de retour à Rome le 31, et je recevrai ici, par une occasion sûre, les lettres du premier courrier de France et de Turin. Ainsi je ne serai en retard que de trois jours, et ensuite j'arriverai à Rome pour le premier courrier d'après.
Je viens de recevoir des lettres de Rome ; tous vos amis et les miens se portent à merveille.
M. le baron de Nyvenheim est frère de Mme de Champcenetz. Son beau-fils lui a fait d'horribles méchancetés pendant son absence, et, après avoir dîné à Londres avec M. le duc d'Orléans, il est revenu à Paris pour nuire à son père et sa belle-mère. C'est un vilain peit monsieur ; vous n'avez jamais voulu le croire, mais le temps découvre tout.
Ma santé paraît déjà se raccommoder un peu ici, et elle en a grand besoin. Malgré cela, j'ai impatience de retourner à Rome, et vous savez pourquoi. Je serai avec eux tous, elles toutes, et plus près de vous.
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