Le comte d'Artois à la comtesse Diane de Polignac
Turin, 24 mars 1790

J'ai reçu votre lettre, ma pauvre mère. Elle m'a fait du mal, mais je ne vous en veux point ; au contraire tout ce que vous me dites me prouve votre amitié, et mon coeur y est bien sensible.
Je n'entrerai point en détail sur tout ce que vous me dites. Voyez mon amie et causez avec elle ; alors vous aurez la preuve que je sacrifie tout ce qui est en mon pouvoir. Mais savez-vous ce que j'ai souffert, ce qu'elle a souffert elle-même ? Qu'elle vous le dise, et vous serez moins sévère envers moi.
Au surplus, croyez que plus j'aime, plus je sais ce que je lui sois, plus je me conduirai de la manière la plus sage et la plus mesurée. Vous saurez ce que je lui mande, et peut-être m'approuverez-vous. Au moins pensez que je ne puis rien de plus, et de toute manière ayez soin d'un ange qu'on ne connaît pas encore.
Je ne vous parle point des affaires politiques. Je sais et j'ai désiré moi-même la juste confiance qu'on vous témoigne.
J'ai reçu une lettre de ma soeur, qui m'a fait grand plaisir, car elle est bien aimable pour vous. Elle vous conseille fort de ne pas songer même à rentrer en France ; mais elle vous enverra incessamment au moins une partie de ce que vous désirez. Enfin elle me charge de vous dire qu'elle fera tout ce qu'elle pourra. C'est une charmante créature sous tous les rapports ; mais la manière dont elle me parle de vous m'attache encore plus à elle.
Adieu, adieu, ma pauvre mère. Croyez que je vous aime du plus tendre de mon coeur, et que je travaille de mon mieux pour vous revoir le plus promptement possible.
Mille choses bien tendres à tous vos amis et parents.

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