Le comte d'Artois au baron de Flachslanden
Vicence, 21 avril 1791

Je sais que vous vous plaignez de moi, mon cher baron, et cela me fait une vraie peine ; mais aussi je veux réparer le plus promptement possible, et vous bien assurer que je connais tout ce que vous valez, et que vous méritez mes sentiments autant que ma parfaite estime.
J'ai quitté Turin pour venir attendre des nouvelles bien importantes, et qui doivent décider entièrement de ma marche ultérieure. Mais je veux vous confier, sous le plus grand secret, que, suivant toutes les apparences, je ne tarderai pas à me porter à vos côtés, mais seulement en passant et pour me rendre ensuite en Flandre, et cela d'accord avec l'Empereur et l'Espagne. Il n'y aurait qu'une grande décision du Roi et de la Reine qui pût me faire changer ; mais hélas ! je ne peux y croire.
Je vous verrai sûrement, mais je ne séjournerai pas avec vous.
Tout cela sera décidé d'ici à huit jours au plus, et sûrement vous en serez averti, parce que je serais au désespoir de ne vous pas voir.
Calonne a enfin gagné son procès ; il est depuis huit jours avec l'Empereur, et c'est son retour qui décidera ma propmte marche ; mais j'ai voulu vous prouver d'avance une vraie confiance.
J'ai eu l'air de perdre mon temps ; j'ai su tout ce dont on m'accuse ; mais je ne m'effarouche pas du bruit, et je réponds que ces quatre mois-ci ont été les plus utiles et même les plus actifs depuis deux ans.
Adieu, mon cher baron ; ne me répondez pas ; je pourrais ne pas recevoir votre lettre ; mais comptez sur mon amitié, sur mon estime, et sur ma vive reconnaissance pour toutes les peines que vous ne cessez de vous donner.

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